Photofictions # 01 | Résidence G.
Il a voulu mettre un genou en terre pour éviter tout effet de plongée, n’a pas osé aller au bout de son geste de peur de salir son pantalon clair, s’est crispé dans une sorte d’entre-deux dubitatif, s’occasionnant ainsi une douleur au niveau du mollet gauche de l’ordre de la crampe ou de la contracture, il faudra plusieurs minutes pour que l’état de sa jambe revienne à la normale, il boîtera au redémarrage en pensant mécaniquement boîter n’est pas pécher, se demandant si des habitants des maisons avoisinantes avaient pu assister aux conséquences de cette génuflexion funeste, de cette génufiction dramatique et affligeante dès le départ, mais était-ce vraiment un début dans la mesure où il photographiait ce bâtiment depuis une vingtaine d’années, le plus souvent à partir d’une des trois fenêtres de son appartement du quatrième étage, de l’autre côté de la rue, essayant de saisir les jeux d’ombre et de lumière des différentes façades de cette architecture de coin vaguement moderniste, presque belle, entre le quai M. et la rue G. adjacente, les tons saumon et crème variant en fonction des heures, des jours, des saisons, ici, au niveau de la rue, il avait voulu montrer le travail de maintenance de ce bâtiment mouroir déserté par ses pensionnaires depuis bientôt trois ans, des planches de pitchpin remplaçant le PVC des volets blancs forcés la nuit par des réfugiés de toutes les couleurs à la recherche d’un endroit où loger, housing first, toujours à recommencer, chez qui était l’insécurité, deux policiers bonhommes accompagnaient le menuisier pendant son intervention occultante, ce dernier, photographe amateur à ses heures, imaginait utiliser son foret le plus fin pour percer un trou minuscule transformant la chambre vide en chambre noire, en sténopé géant qui n’aurait sans doute pas fonctionné vu l’épaisseur de la planche, il eût fallu qu’il l’éminçasse, ça devenait compliqué, il lui restait le malaise de se dire que ce qu’il occultait, s’il y réfléchissait, c’était une part de réalité.
Bravo pour l’imbrication de la photo et de son contexte. La génuflexion-génufiction m’a beaucoup plu, mais surtout la densité du texte et la beauté de l’image.
Merci pour la lecture et ce commentaire !
Bonjour, vous nous pliez au lieu et au contexte, et on y voit plus clair finalement,
Merci Catherine (je ne voulais plier personne…)