Il y a cette route pas loin de La Laune. C’est la D104. Il faut continuer depuis Vauvert sans tourner au château d’eau. Tout droit, jusqu’au pont.
J795+PV Le Cailar est le code que me donne Google maps, même si je ne sais pas trop à quoi ça correspond. Je préfère géolocaliser le point rouge, saillant, en forme de montgolfière (dont j’imagine qu’elle pourrait s’envoler jusqu’au site à atteindre).
La route, je l’ai repérée sur la carte avant de venir passer trois semaines dans cette Petite Camargue arborée de vignes et d’arbres fruitiers. Elle mène au Pont des Tourradons, une zone de marais, entre canaux de navigation et d’irrigation. Une zone d’élevage de taureaux, de manades et de prés, de chevaux et de hérons pic-boeufs, qui se déplacent sur leur dos. On ne sait si c’est par paresse ou pour prévenir d’éventuels prédateurs. Dans le ciel, un seul oiseau de proie, parfois, au-dessus des lapins qui gambadent à l’aube.
C’est le deuxième ou le troisième jour au petit matin. Tout s’englue de brume, dense, qui s’épaissit vers 7h00 avant de se disperser. C’est ce jour-là que je décide de partir en repérage. J’attends une autre matinée blanche, un autre lever aux aurores pour m’enfoncer dans l’évanescent (l’appareil atteste le 19 juillet 2022, je ne me rappelle plus précisément l’heure).
Les entrées maritimes, les chaleurs estivales sont propices à l’avènement des nuées. Cette neige impalpable, cette façon de pénétrer dans un souffle nuageux.
C’est là que naissent les fantômes, là que pousse le ciel nimbé de sel et de l’humidité de la terre. Le visage vaporisé renoue avec l’errance des brumes, se laisse baiser par la moiteur matinale, baigné dans le flou. On ne sait s’il s’en salit ou s’il s’en lave de ce bain.
L’œil s’élance au delà du visible, comme détecteur de l’autre côté de l’obturateur.de ma focale fixe, mon objectif chouchou. 100 iso et ouverture maximale, temps d’exposition 1/400, pour plonger dans le mystère des basses lumières et du brouillard qui dégoutte le ciel. Netteté « difficile », dixit a posteriori.
J’ajuste le cadrage, je me rapproche, je m’écarte. Toute la série flotte entre les arbres, les buissons de salicornes, je progresse sur zone sablonneuse dans l’humidité. J’attends le soleil, sans mitrailler, en prenant tout mon temps. J’en ai, je me l’accorde, j’y ai droit. Le temps s’étire dans le blanc.
Cette photo-ci c’est la réminiscence du Blanche Neige de Disney, mon premier film vu au cinéma, effrayée (ou plus tard, de Evil dead), la branche comme un bras, une main, décharnée. L’arbre vivant, habité, en dépit de son apparence souffrante ou de mort. L’arbre est là où la brume absorbe tout jusqu’au silence. Il est là où flottent les fantômes.
Première participation aux ateliers du Tiers Livre. Je ne sais pas trop si j’ai bien répondu à la consigne d’écriture, si elle a bien été comprise…
« Le visage vaporisé renoue avec l’errance des brumes, se laisse baiser par la moiteur matinale, baigné dans le flou. On ne sait s’il s’en salit ou s’il s’en lave de ce bain.
L’œil s’élance au delà du visible, comme détecteur de l’autre côté de l’obturateur.de ma focale fixe, » Bienvenue . Merci pour ce beau texte. Le paysage et le regard qui fait retour sur son geste l’image et le moment…sont là
Merci Nathalie pour votre accueil, votre lecture et votre commentaire.
Bonjour Perle, j’aime votre immersion dans les lieux le changement de registre entre description et technicité, et vos perceptions…Je vous suis! AmitiéS
Merci Sandrine !
j’ai tout à fait oublié moi aussi la consigne, la proposition d’écriture… je me suis simplement immergée dans cette brume, ces entrées maritimes qui injectent mystère aux tamaris et aux bouquets de saules et de roseaux
moi aussi je vous (te) suis…