Elle me dit il faut prendre des photos. Maman les souvenirs comptent. Je lui dis les souvenirs dans la tête. Profite l’instant plein ciel pas derrière un écran. Elle dit oui mais insiste. Elle insiste et les feux grondent déjà depuis plusieurs minutes. Elle dit maman plusieurs fois. La dernière gigote je dois veiller avec mon œil en moins à ce qu’elle ne tombe pas dans le canal. Tous au bord du canal dans le noir pour mieux voir l’artifice. La pénombre trébuche je m’accroche au sac, aux filles. Ne rien perdre de vue de main. Elle dit j’aimerais vraiment que tu prennes des photos.
Je pense qu’elle ne regardera jamais la photo. On aime les paysages plein cœur mais réédités mauvaises couleurs sur papier brillant ne nous attirent plus. On préfère les visages. On préfère les gens. Seul l’art grand format nous fait admirer le paysage le reste c’est dans la rétine inscrit.
Les feux colorés. Ça claque le pont essaime les déchets calcinés. Je sors le téléphone. Je suis sûr que ça ne donnera rien. Peut-être que je ne me donne pas les moyens. Elle sent la réticence, elle dit je peux le faire. Je veux qu’elle regarde. Regarde vraiment. Je dis c’est bon je vais. Je sors du sac l’appareil et prend une photo maladroite de toute façon je discerne à peine l’écran. Le clic suffit elle se détend et regarde. Regarde vraiment. La possibilité de la photo dans le téléphone suffit. Mal cadré mal engagé mal assorti. Un petit clic de nuit brouille le feu. J’ai négocié, capitulé. Une seule photo. Elle est floue. Je la garde quand même, elle dit la soirée. Elle dit les souvenir comptent ma fille. La foule au bord du canal n’a bousculé aucun vivant dans l’eau. Seules les étincelles. Les pompiers veillent prêt à sauter si les flammes.
De cette soirée pas de visages juste mes mains pleines de peaux filles et leurs yeux qui brillent. Les souvenirs comptent dit regarde vraiment va. Dans la tête mieux.
Bonsoir J Hendrycks
Quelle joie de retrouver ta prose poétique !
Merci pour ce beau moment de lecture.
Oh merci Fil! Joie de reprendre et de vous retrouver!
Que c’est beaux! Ces mots qui disent mieux que tout la poésie des petits riens. Et que la vie n’est pas parfaite comme cette photo… et pourtant si belle! Merci
Merci Geraldine du passage commenté. C’est très agréable d’avoir des mots sur les miens! 🙂
C’est vraiment très beau : le texte, l’écriture, la phrase en équilibre instable et ce que ça raconte, le besoin de la photo pour vivre le moment, tranquille.
Merci Juliette! J’en profite pour dire comme j’aime la poésie de tes photos capturants des images parfois à moitiés, si douces.
Merci oui pour cette lecture, ce feu d’artifice qui m’en rappelle bien d’autres, et aussi pour « juste mes mains pleines de peaux filles »
Merci pour le commentaire. Nos mains sont toujours pleines de peaux enfants et c’est doux
Tout pareil. Oui, c’est très beau. Tes mots qui rebondissent comme autant de balles pas vraiment rondes, dans ce désordre qui dessine une poésie toute subtile. C’est vraiment beau.
Merci beaucoup pour les mots qui rebondissent et se fondent doux.
Très beau texte où les sentiments sont plus précieux que les photos. Mais le ratage prévu, anticipé, et déclenché malgré tout, puis le constat, et oui c’était à prévoir, ne disperse pas le cœur de l’instant, il le renforce peut-être dans l’invisible.
Toujours plus précieux la vie, les mains, la douceur des instants. Je crois meme si c’est si beau la photo pour se souvenir et raconter au creux.
c’est danse ça joue gai joli et longtemps comme maman caressé en bouche. j’aime ce frais !
Merci beaucoup, la nuit fraiche! 🙂
« Un petit clic de nuit brouille le feu. J’ai négocié, capitulé. Une seule photo. Elle est floue. Je la garde quand même, elle dit la soirée. » Elle dit … cette image dit… merci pour cette nuit sous les étincelles
Merci de ton passage Nathalie qui dit j’ai lu:)
c’est raconté au creux..
si beau
on aime tous…
(merci J)
Merci beaucoup Francoise! Ravie de te retrouver!
Très poétique, la langue de l’enfance, j’apprécie particulièrement la négociation d’emblée perdue avec l’enfant ! Merci !
Beaucoup de négociation se perdent et beaucoup devraient alors qu’on s’accroche! 🙂 L’enfance a écouté au creux! 🙂
pour une photo de feu d’artifice elle est très réussie… au fond nous avons raison de nous fier à l »instinct et la chance les non-photographes (et devrais peut-être m’offrir un téléphone qui en prend plutôt que mon appareil)
j’ai un beau reflexe souvent rangé (je ne prend pas assez le temps j’ai eu fait un peu de photos il fut…) mais le téléphone toujours là. Depuis que j’ai des enfants je choisis mon telephone en fonction. On ne dirais pas comme ca 🙂 mais il fait de belles photos!
Profite l’instant plein ciel pas derrière un écran. … Les souvenirs comptent dit regarde vraiment va. Dans la tête mieux.
Oui, on peut être tellement à regarder l’extraordinaire à travers un écran et de retrouver le souvenir que sur les photos plus dans nos têtes. Merci pour ton texte
comme la petite rengaine de la petite dit beaucoup, capter le beau, l’émotion, garder la trace d’avoir vu, elle est maline ! et la narratrice dans ses hésitations dit beaucoup de se regarder regarder, se regarder être vue, se voir regarder… très beau, et tout ça dans le noir et l’éblouissement,
Merci Catherine de ton passage toujours doux! 🙂 Oui elle est maligne!
L’image dit toujours même dans sa maladresse, elle capture l’instant dont on n’a ps toujours mesuré l’intensité.
et cette douceur des peaux et des instants
merci pour ce beau texte
Merci du passage et message. La douceur des peaux oui!
Le combat entre prendre la photo ou regarder en vrai est un éternel tourment. La voix de l’enfant éclaire beaucoup là-dessus, regarder ok et fixer un peu. Très joli texte enveloppé de tendresse.
Merci Catherine. Pendant longtemps je regrettais beaucoup de ne pas capturer les moments comme si ils avaient une autre saveur et puis maintenant je me dis que parfois ce n’est pas le plus important.