La photographie date du 8 août 2013, lors de notre voyage de noces dans les îles éoliennes, pendant lequel nous avions prévu de faire l’ascension du Stromboli. Le matin même, nous nous préparons un sandwich pour le diner prévu en haut du volcan, nous nous équipons de nos chaussures de marche, d’un short et d’un tee-shirt qui ne craignent rien, et de bonnes chaussettes. En début d’après-midi, nous rejoignons l’un des nombreux groupes touristiques, dont fait partie l’italienne que nous venons de croiser au distributeur, dont j’aurais parié qu’elle ferait partie du groupe. Notre guide vérifie notre équipement, il ne peut rien imposer mais remarque les tongs d’un touriste habillé comme à la plage et le lui dit. Son sérieux me rassure. Nous débutons l’ascension, il fait très chaud, le sable est noir, nous marchons dans une poussière dense et vieille de plus de mille ans, accompagnés de Mario, notre guide âgé de soixante ans d’histoires. Son pas est léger sur le sol et sa tête reliée au ciel, il a le sérieux des marcheurs ancrés dans l’effort. A. mon mari est devant moi, je suis son pas, trouve mon rythme, la sueur baigne mon front en continu, ma vue se trouble, nous nous suivons de près en file indienne et Mario scande l’ascension par des petites pauses où ils nous invitent à ne boire qu’une gorgée d’eau avant de repartir. Nous regardons le chemin qui reste et celui déjà parcouru. Je pense aux petits pas, à y caler ma respiration, à ouvrir mes épaules, la chaleur et l’effort me suffoquent, la peur aussi m’étreint, celle du danger qui nécessite l’équipement et le sérieux de notre guide. La peur de la veille aussi qui nous a fait nous disputer, l’envie de ne pas y aller, la mauvaise humeur. La peur de n’être pas à la hauteur de l’ascension et de ce mariage qui m’engage dans ma vie de femme et d’adulte. Je me défais de cette peau de petite fille et arpente de plus belle le dos du géant noir. Je pense à l’enfant que j’aimerais avoir, un fils peut être si j’avale la force du volcan, si j’incorpore un peu de son masculin, mais je ne sais rien encore de tout cela, je me perds d’autant plus en fantasmes que la force des éléments me saisit tout entière. Je ne suis plus qu’effort dans la pente du volcan en activité. Je ne fais qu’un avec ma petite foulée, que l’effort a maintenant assurée. Là-haut, nous voyons le soleil rouge se coucher au loin sur la mer. Nous contemplons les éruptions jaillir à mesure que la nuit prend le pas doucement.
Bonjour Marie
Très belle description de l’ascension. On dirait presque une fiction.
Très belle photo aussi.
Merci !
Ton commentaire me donne envie de creuser cette question sur ce qui fait fiction ! Merci !
Ressortir les souvenirs papiers redécortiqués le moment la fiction a partir de ce que l’on se souvient, veut se souvenir. C’est un très beau programme de plonger loin pour y puiser a faire fiction (ou pas).
J’ai trouvé ton texte très fort, très beau, cet ascension vers le sommet et vers toi même, ton chemin de vie – Merci pour cela et pour la photo.
Bonjour Marie,
des petits souvenirs triviaux, sandwich, argent, chaussettes, à ce qui devient un rapport ontologique à la vie, sa vie, ses choix, en quelques lignes ont fait un grand grand tour,
… la marche, l’avant, le pendant, le flot de pensées décousues et cependant liées qu’elle génère, le regard en aval sur le chemin parcouru, en amont (risqué) sur celui qui reste à parcourir – du bien authentique, on est déjà presque dans l’extrême proche !