Une ligne de fuite ou une aspiration, une perspective qui évite de peu la symétrie, des bandes opaques, étincelantes ou noires se précipitant vers des petits points luisants et noirs plantés devant une barre sombre qui ferme l’image. A gauche, s’amenuisant en avançant, le soubassement et le bas des murs, avec le jeu de la lumière tamisée qui modèle la pénombre pour marquer le ressaut et la ponctuation de cylindres bruns dressés pour porter ombres sur la pierre grenue. S’imposant ensuite, dans l’éblouissement sous la frappe des rayons de soleil de ce début de matinée, la fuite du large trottoir aux dalles luisantes (avec le petit signe amical d’une feuille morte recroquevillée) dont la blancheur se dissimule dans le mélange de cette luminosité et de la contagion de l’ombre qui envahit le mur, posant avec autorité l’orde d’avancer. La côtoyant, envahissant peu à peu la largeur de l’image, la tentation des pavés frappés joyeusement et irrégulièrement par même lumière mais graduellement (avec une avancée brusque due à la plus grande hauteur des maisons de droite) envahis par une belle et profonde ombre qui dit la fraîcheur et la promesse du petit trottoir qu’elle cache le noyant dans la même obscurité que les pavés et les façades qui la dominent et la projettent.
Une photo cent fois refaite, avec de légères variations selon le temps et la saison, photo réflexe en tournant le coin de ma rue et en partant entamer ma journée, comme un moyen de marquer ma détermination. Photo prise le lundi 5 septembre 2022 selon mon habitude quand la lumière s’impose une fois encore à notre presque désir de pluie, peut-être prise aussi en partie en pensant, presque inconsciemment à l’éventualité d’une contribution à l’atelier de François Bon, ce qui m’a amenée à ne pas l’utiliser pour le billet du jour, contrairement à la dernière, prise cette fois avec cette idée de série en tête, en revenant, photo d’une des lanternes de la rue Joseph Vernet et de son ombre sur le mur que j’ai finalement utilisée considérant qu’elle manquait du côté presque abstrait de celle-ci. Sans doute pas la meilleure de ses semblables que je renonce à chercher dans mon fatras (doivent bien être une cinquantaine au moins) la lumière étant un peu moins brutale en ce début de septembre et surtout parce que je ne dispose plus que du petit compact Sony (même s’il est le meilleur de la gamme) sauvé miraculeusement après la mort de son grand-frère et plus encore de son grand cousin, lui aussi mort au champ d’honneur de ma maladresse et de chutes, l’hybride Alpha 6100 (n’ai jamais possédé mieux, ni vraiment désiré) qui pour contrebalancer ses qualité et les performances de son objectif, était vraiment trop encombrant pour mes poches et trop intimidant pour le couffin.
image ©Brigitte Célérier – septembre 2022 Avignon
« …quand la lumière s’impose… »
Merci Brigitte pour ces réponses à nos désirs d’en connaître.
La perspective Brigitte. L’œil de Brigitte qui décèle l’infime : « et le petit signe amical d’une feuille morte recroquevillée », « photo réflexe en tournant le coin de ma rue et en partant entamer ma journée, comme un moyen de marquer ma détermination. » Vos images que je découvrais sur facebook (avant). Merci d’être avec nous avec vos ombres et lumières . Et d’ouvrir cette perspective.
Ce texte est une dentelle ! Merci
et grand merci à vous – en fait les photos sont façon de réagir à petits coups d’oeil que me font la ville et les gens, de m’aider à avancer et de nourrir le billet quotidien (ou presque) de Paumée.. et en effet il y en a quelques unes de rituelles comme celle ci ou ses soeurs
Merci Brigitte pour cette très belle photo et pour le très beau texte qui l’accompagne !
Heureux de vous lire à nouveau.
Densité des mots qui contraste avec la nudité des pavés, éclat…
Fil, Elise merci de votre gentillesse et merci de l’indulgence pour la piètre lectrice que suis (lente en tout)
« La petite feuille morte recroquevillée » foule les pavés gris et s’endort. J’aime beaucoup la description qui pourrait totalement se passer de l’image meme si l’image est très belle et mysterieuse.
Bien contente de vous retrouver ici avec cette belle ligne de fuite, ces ombres mangeant la lumière, la petite feuille blanche que j’aime moi aussi et jusqu’à l’appareil qui intimide le couffin, tout vit !
merci à tous deux
heureusement que l’image ne couvre pas vraiment mon mystère c’est mon chemin pour quitter les bords du fleuve et aller au devant des boutiques et autres
Catherine : photos résultat d’habitudes instinctives mêlées à la vie courante
retrouver là tout ce qui dès la première fois que j’ai lu un de tes textes m’avait emportée, la puissance et la délicatesse de tes descriptions
parfait – j’ai cherché l’ombre (et l’ai trouvée – dans le 1bis : vous verrez)- content de vous voir
merci Caroline, merci Piero (m’en vais mire pendant une petite demi-heure … me sens confuse
Comme toujours dans vos textes, Brigitte, on arrive, on s’installe et on adopte votre regard si précis et insolite. Un regard qui révèle, est-ce que tout le monde aurait vu la petite feuille recroquevillée ?
merci d’être là
Huguette, aveu : pas certaine de l’avoir vue en prenant la photo, ne pensais pas sauf lumière – go !
Je n’avais jusque là jamais pensé que les arbres — ou quelque chose, quelqu’un — essayaient de communiquer avec nous par le biais des feuilles disposées ça ou là sur le grand plateau de jeu de la ville. Une pensée que j’aurais dû avoir il y a une quarantaine d’années, à l’époque où marcher sur les lignes ou pas était simple et crucial. Merci pour ce rattrapage.
sourire !
Petit matin, ou soir venant… on ne sait, mais votre passage en creux dans chaque mot, ça c’est sûr,
Bonne suite !
C
merci Catherine