Un matin d’août, je t’ai accompagné sous un soleil brûlant à la recherche des noms et des dates. Le petit village au pied des Pyrénées était désert et nous sommes entrés dans le cimetière où les tombes s’étendaient comme un troupeau silencieux. Je suis à la recherche de ces plantes sauvages qui surgissent de la pierre là où la vie semble hostile, dans l’environnement le plus austère qui soit. Tu es à la recherche des noms sur la pierre, des traces de vie, des dates qui attestent d’une présence et qui assurent les ramures de la généalogie. Ici, dans ce carré minéral découpé dans l’espace du réel, le temps se tient en suspens, les pierres murmurent leur promesse. Des gens ont vécu il y a des dizaines d’années dans ces mêmes montagnes, au milieu de ces mêmes forêts, à proximité de ces mêmes sources. Tu as pris conscience des bouleversements de toute une existence, quitter son village natal pour gravir les cinq cents mètres de dénivelé du village voisin, tracer une frontière étanche avec les siens. Tu as pensé à ces vies minuscules au contact des bêtes et de la terre, à la merci de la rudesse des éléments. J’ai évoqué nos vies faites de mots, la ville encombrée de lettres. Qu’est-ce qu’un nom ? Qu’est-ce qu’une date ? Nous sommes ainsi faits que quand nous retournons à l’humus qui nous a portés, l’idée la plus inconcevable qui soit est bien celle de disparaître. Nous ne disparaîtrons pas.
Non, jamais… ! (merci)
L’image comme une preuve! merci Olivia pour ce beau texte, j’aime beaucoup : le temps se tient en suspens, les pierres murmurent leur promesse.
Bonjour Olivia
Merci pour ce beau texte fort !
Bonjour, avec un titre comme celui-ci j’étais très curieuse de vous lire. Ce n’est pas tant avec Michon que j’ai voyagé dans vos mots que Ponge du coup, qui dit qu’il est moins effrayé par l’humus où nous retournons, que par la photo fixée à jamais d’une personne disparue.
Merci en particulier pour votre dessin de la généalogie comme une ramure !
C’est très doux. Je pense à ce passage de Vers le phare de Virginia Woolf: « « Allez-vous fanez ? Allez-vous périr ? » troublaient à peine cette paix, cette indifférence, cette atmosphère de pure intégrité, comme si la question qu’ils posaient rendait à peine nécessaire qu’on y réponde : nous demeurons. »
J’aime allez dans les cimetières la paix grande à travers les mots gravés.
… impressionnant de penser à ces cinq cents mètres de dénivelé qui cloisonnent toute une vie et ces tombes qui continuent de parler, répondent aux questionnements, les suscitent aussi – tellement authentique !
Ici encore, beaucoup de sensibilité, ancrée dans le monde, celui des hommes mêlé à celui de la nature.
Merci. C’est très beau