J’ai rendez-vous au Palace avec elle. Alors qu’on se promenait ensemble autour de la bâtisse style art-déco, nous sommes tombés sur une petite porte qui s’est ouverte comme par miracle, depuis nous y entrons tous les dimanches après-midi quand la ville s’ennuie. Tous les deux dans la cabine de projection que nous avons aménagée au fil de nos rendez-vous, petites bougies, tapis, coussins. Elle l’appelle notre nid de cinéma. Nous voilà comme deux oiseaux fuyant les piaillements des familles, les devoirs à finir et la morosité du dimanche parce que demain, il faudra retourner au lycée. J’aime son petit nez, ses pommettes hautes, sa peau douce, ses yeux rieurs et son sourire qui raconte son bonheur, son bonheur d’être ici, mais ce qui me fait craquer, c’est d’enfouir mon visage dans la chevelure abondante qu’elle lâche rien que pour moi, j’y sens les huiles de carthame et de coco et je voyage dans le pays d’où elle vient, un de ces pays sub-sahariens comme ils disent. Oh ! comme j’aurais aimé la rencontrer du temps de la grève des hauts-fourneaux ! quand mon grand-père me raconte cette époque, je vois dans ses yeux tout le bouillonnement de la lutte, la solidarité. On serait allés à la radio Lorraine cœur d’acier, on aurait dit à toute la région notre amour et on aurait été applaudis, j’en suis sûr.
Dans un recoin du bâtiment, on a trouvé de vieilles bobines bouffées par l’humidité, la saleté et l’oubli. On les a montées dans notre nid de cinéma et en déroulant une pellicule toute collante, on a réussi à y voir quelque chose, cela ressemblait à un gladiateur le poignard à la main, le filet sur l’épaule, des jambières et dans le regard un mélange de haine et de fierté. Elle voulait savoir le nom du film et aussi celui de l’acteur qu’elle trouvait beau avec sa fossette sur le menton. A partir de là on s’est inventé des personnages, des actions et même des rebondissements. J’adore quand elle et moi, on se fait notre film… mais jusqu’à quand ?
Sans début et sans fin, tout peut être écrit. On les cueille en route, ces deux-là, bribe d’un film, bribe des luttes passées, bribe des origines, tout se fait écho. Merci, Michèle.
je me souviens Longwy-haut, Longwy-bas, la radio oui (malheureusement, ça finit mal pour l’homme à la fossette… – ah Kirky…)
Souvenirs, souvenirs… tout a ressurgi en voyant le nom de Longwy inscrit au fronton d’un cinéma, et de plus suivi de Palace… Merci Piero.
Merci Anne pour tes mots qui me disent que j’ai réussi à créer un écho entre présent et passé, entre luttes et origines… Ce sont des thèmes qui me tiennent à cœur.