#photofictions #09 | le rire fossile

Longtemps j’ai rêvé d’une montagne aux reliefs affutés comme des dents elle se penchait sur moi en riant; éteindre la lumière réveillait les géants. Longtemps j’ai travaillé à échelle réduite, creusé le petit pour exprimer le grand. Souvent je fauchais des jouets à l’enfant, comme ce cheval plus vrai que nature qui tenait dans la paume, que j’ai glissé dans une maquette. Il y a très longtemps j’ai possédé un livre avec un allosaure en couverture, je le cachais pour ne plus voir sa figure, il aurait pu se dresser dans le noir comme la montagne de mon rêve. « L’avant explique l’après  » m’avait-on dit en m’offrant le livre; fouiller, remonter le temps… et regarder devant. J’appris que l’allosaure mesurait jusqu’à douze mètres de long pour une hauteur de quatre; carnivore il aurait avalé un cheval blanc s’il s’était trouvé avec lui dans un champ. J’appris aussi que les moineaux que j’enterrais dans le jardin sont ses cousins. De ses émotions je n’appris rien. Que sait-on vraiment des bêtes? Est-ce que le moineau rit? Est-ce que le cheval pleure avant d’aller à l’abattoir? Est-ce que l’artefact géant de l’image rit lui aussi avant de dévorer le cheval vivant?

Denguin Béarn (Nouvelle-Aquitaine) Enseigne-objet

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

12 commentaires à propos de “#photofictions #09 | le rire fossile”

  1. je n’aimerais pas avoir tes rêves.
    Cette nuit j’ai rêvé que j’avais invité Mitterand mais que je n’avais pas fini le repas ou le roman que je lui destinais et qu’à la place je lui commentais une photo sur laquelle il figurait.

    • Longtemps j’ai fréquenté Jospin en rêve : allez savoir pourquoi? toi tu fais dans le super président! mais attention si tu écris aussi la nuit à propos de photos… songe au repos

      • « Coton tige », c’est le surnom que lui donnaient ses camarades frères ennemis au sein du PS, est excellent dans le film « Le nom des autres » de Michel Leclerc. Pour ma part, si il faut vraiment inviter un cacique du PS dans mes rêves, je choisis Edith Cresson.

      • On ne ne choisit pas ses rêves dommage le plus souvent ? J’aimerai bien rêver que j’écris avec des L par exemple

  2. longtemps j’ai prétendu (et je prétends encore à qui veut l’entendre – c’est un peu rare) que les dinosaures jamais n’existèrent – pure invention humaine, jamais personne n’en a vu vivant jamais peut-être en rêve et encore en cauchemar etc. – après, le moineau a un petit surnom (on l’appelle le pierrot parfois) et il est à peu près certain qu’il aime bien rire (ce que j’en dis…)

    • Oh le pierrot moineau c’est joli! Merci Piero et s’il rit un peu! Je crois que les dinosaures en carton pâte ou le dragon peint d’Ucello existent …

  3. Merci Nathalie Holt d’évoquer ainsi ces peurs d’éteindre les lumières. Comme elles sont complexes ces craintes de réveiller des « géants », allant jusqu’à repousser toujours plus loin le moment de dormir, d’affronter cette petite mort dont les rêves s’emparent. Merci aussi de nous interroger face à l’animal: « Que sait-on vraiment des bêtes? » La question résonne d’autant plus à présent que nous savons désormais combien c’est notre choix prédateur qui nous a fait commettre cette erreur de nous différencier de la nature, de nous placer hors de la nature et supérieur à elle. Cette arrogance est telle que nous osons aussi classer hors de l’histoire ceux d’entre les humains qui ne commettent pas cette erreur. Je crains que l’artefact géant que nous sommes va nous dévorer.