C’est beau, c’est doux, tellement inattendu en pays volcanique. Un paysage qu’on aimerait caresser, avec lequel on voudrait se frotter comme avec un gros savon parfumé. Et ces couleurs si tendres, vert pastel et rosé poudré. Une merveille naturelle…qui sert désormais principalement à produire de la litière pour chat. Je connais le propriétaire de la carrière, leader mondial de la litière pour chat, il la vend jusqu’à Taipeh et Séoul. En 2040, sa carrière sera épuisée. Il trouvera autre chose pour les chats, mais il n’y aura plus de colline.
George Sand est passée par là en allant au Puy en Velay en 1859. Elle n’a rien dit de ces collines mais elle a fait un livre le mois suivant à partir du château de Rochelambert tout proche où elle avait passé l’après-midi chez une amie. Le livre s’appelle Jean de La Roche et le château est celui de la mère de Jean dont George fait une description pour le moins critique :« Une autre curiosité des appartements du rez-de-chaussée, les peintures des panneaux de bois de la muraille et des minces poutrelles qui rayent les plafonds. J’ignore si notre ancêtre, contemporain de Richelieu, avait vu des fresques antiques en Italie, mais il avait une prédilection pour certains tons semi-étrusques que l’on pourrait appeler Pompéiens. Le fond des trois pièces est d’un brun chocolat rehaussé par des filets et des ornements bleu clair, rouge brique et blanc mat. Cet assemblage de tons, que la vétusté harmonise ordinairement, était resté d’un criard atroce. »
Elle ne sera pas plus tendre pour la ville du Puy : « Un décor de théâtre, une ville grande, monstrueuse, bizarre et invraisemblable », « ils ont encore ajouté cette statue de la Vierge sur le piton ! Elle n’était pas là à mon dernier passage. Comme s’ils n’avaient pas déjà assez d’églises ! » mais trouvera dans le château de Polignac perché sur un éperon rocheux le décor parfait pour la retraite du Marquis de Villemer.
Voyager comme George Sand et en faire des romans mêlant réel et fiction, je crois que c’est un projet qui me plaît.
“J’ai toujours été trop organisée dans mes voyages, trop pressée de tout voir, de tout comprendre et de rendre visite à mes amis. C’était une grande voracité qui m’animait et le besoin de tout utiliser après pour la fiction. Il faudrait se laisser aller, scruter un peu plus ce que l’on ressent, ce que nous fait le voyage, les rêveries vers lesquelles il nous emporte. Pas comme mon cher Flaubert qui avait toujours l’âme de travers en voyage, plutôt comme ce petit Maupassant. Je ne l’ai pas connu, j’étais morte lorsqu’il est né, mais je l’ai lu. Quel dilettante celui-là ! Un génie gâché par les plaisirs, mais une plume, une finesse, une folie. Peut-être faut-il être un peu fou pour bien voyager !” Mont-Oriol n’est pas son meilleur, il m’a permis de revoir l’Auvergne et même dans la tombe j’adore voyager.
Moi-même, je me sens fautive d’avoir trop situé mes fictions dans des univers reconnaissables. On m’en a fait le reproche. Mon cher Balzac y échappait, lui qui a su traduire la réalité complète dans la complète fiction. En revanche, je n’aimais pas sa manière de voyager, soit il parlait d’endroits où il n’était jamais allé , soit il nous ennuyait avec ses cartes postales bavardes et inutiles. Le pauvre, il avait tellement de problèmes d’argent et puis il m’aimait bien. Il était déjà mort lorsque je suis venue en Auvergne en 1859.”
mots-clés : 2021, hiver, curiosité naturelle, basse montagne, Velay
Bien trop long, encore que raccourci pour l'occasion , mais tout au plaisir de vous rappeler quelques grands romans auvergnats et cette façon de mêler observation du réel et fiction qui me plaît tant. https://www.lesmotsjustes.org/post/l-argile-verte-du-velay-et-la-rencontre-de-l-arn-avec-george-sand
Formidable. Long peut-être pour le recueil , le début chats tient tout seul et la suite nous emmène en voyage entre érudition vraies et fausses fictions. C’est emballant comme disait quelqu’un que j’aimais beaucoup et qui avait lu tous les livres
Merci Nathalie. j’aime tellement George Sand, peut-être encore plus la personnalité que les écrits.
Long, mais voir ça comme un codicille, un éclairage qui donne envie de partir en voyage.
Quant au texte de départ, j’aime beaucoup de mélange entre la douceur des couleurs et des formes du début, puis la trivialité débarque avec les litières pour chat et enfin, le temps apparait avec l’horizon 2040.
Toute une pièce de théâtre dans un tas de sable, bravo !
Merci Juliette. C’est l’ARN qui m’a fait découvrir cette carrière de litières pour chat qui appartient à un conseiller municipal de Lissieu (le même qui a coupé un hectare de chênes centeanires dans un espace boisé classé). On ne se refait pas quand on a vocation à extraire les ressources naturelles.
Joliment dit « On ne se refait pas quand on a vocation à extraire les ressources naturelles »
incroyable, merci pour la découverte. aime beaucoup Georges aussi, nombreux été passés dans le Berry à marcher sur ces traces, et cet été dans le manoir d’Edward Austen à Chawton, joie de découvrir son portrait à l’entrée de la bibliothèque entièrement consacrée à la littérature féminine https://lesheurescreuses.net/2022/08/23/are-you-ladies-lost/
Merci Caroline, j avais suivi ton parcours chez George. J avoue préférer la lecture aux visites, ou plutôt la lecture avec les lieux qui ont servi à construire la fiction.
Le prétexte est bon qui donne envie de lire davantage de Georges Sand que les très classiques. C’est un chouette voyage en terre auvergnate et dans la littérature, merci
Merci Pearl lapsus mais ça me plait). L’ARN m’avait aussi permis de retrouver George Perrec à Villard de lans et Francis Ponge au grau du roi
https://www.lesmotsjustes.org/post/a-la-recherche-du-grau-du-roi-de-mon-enfance
https://www.lesmotsjustes.org/post/je-n-ai-jamais-pris-la-route-des-grands-goulets
Les photos de l’ARN sont une mine et l’idée de François d’en faire un livre avec des mots,, une nécessité. Je voulais le faire seule, mais le problème des droits m’a arrétée.
Croiser les écrivains et les lieux, quelle bonne idée, Pérec, bien sûr, cela ne m’étonne pas. La photo du Grau est une autre vue du Luna Park, non ? Nous passons devant quand nous allons à l’Espiguette mais n’y sommes jamais vraiment allés. Une fois prochaine peut-être.
Douce teinte pour évoquer Georges Sand. Je viens de me procurer La ville noire d’elle aux éditions Le temps des cerises. Il est beau les couleurs se melent.
https://www.letempsdescerises.net/?product=la-ville-noire
La ville noire, la ville de Thiers largement photographiée par L’ARN. Bonne lecture.