1.éblouissement, lumière très forte à l’extérieur sitôt sur le seuil franchi trou noir excuse panne électrique désolé il faut un peu de temps l’œil est bien fait il va s’habituer, oui des visages uniquement prenez le temps de visiter elle en a profité sur le chemin du marché son panier est rempli très beau très expressif vous habitez Orlienas vous venez souvent visiter les expos de temps en temps mon mari est peintre aussi enfin il l’était, 94 ans il n’y voit plus. La fin de parcours de Matisse, Truphémus, tant d’autres, nombre de peintres qui âgés et n’y voient plus guère. Peut-être un avantage, tentons, il fait si beau, on résume mieux, moins la nécessité de s’attarder sur des détails superflus. La dernière exposition de Truphémus ce n’était plus du Truphémus elle dit. Il n’y avait plus cette finesse… phrase en suspens, le dos se voûte un peu plus. Enfin c’est comme ça c’est la vie on fait avec ce que l’on a…arrive le moment ou plus grand chose à faire… pouvez monter à l’étage, mais non je ne peux pas monter aujourd’hui, du moins je ne préfère pas. Mais vos toiles, très belles, beaucoup d’expression. Je dirai à mon mari que je vous ai vu il sera bien content.
2.deux enfants sur le seuil la maman derrière jeune avec un chien peut-être épagneul enfin roux. Ils n’osent pas entrer mais ils veulent. la maman les retient et le chien en même temps. Ils sont fascinés par la tour ils se demandent ce qu’il y a l’intérieur. Mais entrez les enfants je dis non dit la maman on vient de se promener on a de la terre sous les chaussures. Et le chien les pattes mouillées il a été dans l’eau. Ils veulent les enfants, blonds tous deux un garçon et une petite fille ils écarquillent les yeux il fait sombre dans la pièce réflexe encore, excuse problème électrique mais vous pouvez bien entrer on passera un coup de balai pas grave. Il faut que j’attache le chien dit la maman. Les enfants sont déjà montés à l’étage ils veulent tout voir et ils redescendent, ressortent bon et bien pas la peine d’attacher le chien c’est du rapide aller merci monsieur bon dimanche.
3. encore des enfants avec leur maman, blonds. Un accent, Bulgarie, c’est ou l’Estonie les enfants dit-elle vous vous souvenez sur la carte. Tout le monde s’arrête face au tableau « jeune Estonienne » ma mère enfant, un tableau qui était venu peu après son décès. Toujours pas de modèle, juste quelques traits qui peu à peu se seront orientés vers une sensation de familiarité. Pour la modifier ensuite, en extirper une singularité. Visage prétexte, rien à voir décidément avec le portrait. Autoportrait d’une relation avec une familiarité qui s’offre que pour mieux la dégrader. La maladresse comme vecteur de changement de point de vue. Je parle seul, je me parle a moi même la maman surveille ses enfants qu’ils ne touchent à rien qu’ils ne quittent pas son champs visuel. Ça fait du bien de parler ainsi en prenant sans doute aussi le visiteur comme prétexte. Créer encore une forme de familiarité avec ces tableaux comme pour mieux la détruire à voix haute. Se vider de quelque chose en exhibition, terme anglais d’exposition
4.je savais qu’elle viendrait. Et elle est là. Deux chiens en laisse, teckels ou bassets rouge sombre langue pendante. Elle yeux encore humides mais teint plus frais que lors de notre première rencontre dans l’atelier de peinture. Elle s’asseoit, ses chiens s’assoient. Elle ne regarde pas l’expo. Elle vient pour parler. Des problèmes qui la submergent. Est-ce que je suis disponible, elle s’en fout. Elle a deviné que j’étais tout à fait le genre de type à écouter tous les malheurs du monde. Que j’avais ce genre d’orgueil si proche du sien image miroir. Drôle dans une exposition de visages imaginaires. Mais c’est dimanche pas beaucoup de visiteurs je ne dis rien et qui ne dit rien consent. J’ai trouvé un médecin suisse elle dit. Ça commence comme ça et sans doute ai-je eu tort de relancer pourquoi suisse. Une heure plus tard elle est repartie sourire aux lèvres, démarche légère. Moi par contre gros coup de mou. Heureusement que j’ai apporté un sandwich.
5.Des cyclistes. J’étais en train de manger mon sandwich au soleil juste devant la tour. Ils ont mis le bras pour montrer qu’ils allaient tourner, je les suivais de l’oeil. Puis lui m’a demandé c’est ouvert, je n’ai pas osé dire non j’ai dis oui. 13h 15. On ne sait jamais. Casque sur la tête ils ont garé les vélos. La femme a dit il grince ce frein. Puis ils sont entrés comme ça et c’est ensuite qu’ils ont ôté leurs casques. Vous êtes du coin, de Soucieu-en-jarret, c’est loin non juste deux ou trois kilomètres. Font beaucoup de visites d’expos. Autant qu’ils peuvent. C’est divertissant dit la femme. Divertissant. Et puis on dirait de la mosaïque celui là. Il s’est penché pour regarder le prix. Ensuite ils ont tout regardé consciencieusement, chaque toile une par une sans jamais rien dire et ils sont repartis. J’ai entendu le grincement du frein de son vélo à elle. Faut-il mettre de l’huile dans ces cas là… bonne question. J’ai repris mon sandwich et j’ai regardé le massif de petites fleurs roses devant la tour. Y ai remarqué d’étranges insectes que je n’avais jamais vus de ma vie. On aurait dit des colibris miniature qui butinaient de fleur en fleur en battant des ailes à une vitesse vertigineuse. A peine quelques micro secondes et hop.
Très vivant. On s’y croirait dans ces photos qui parlent.
Quelle journée.Merci.
Bonjour Patrick
Petits textes-films plutôt que photos.
Une exposition en mouvement. Merci !