Deux dix quinze (O. dite D.)
Elle m’a dit : « assieds toi mon vieux » (elle m’a déjà fait ce plan), et « en tout cas je suis contente de te voir », elle passe sa main sur sa tempe comme pour s’assurer que ça va, « et L. tu as des nouvelles ? » (c’est son frère, y’a peut-être vingt piges qu’il s’en est allé, parti, avec toute sa clique je me souviens sous le pont bleu, tous ces gens, des personnalités comme on dit), non, L. est parti, tu sais bien, elle me regarde parce qu’il lui arrive de vraiment me reconnaître « Tu Ne Peux Pas Imaginer comme je suis contente, elles sont belles, c’est pour moi ? » eh oui, c’est pour toi, bien sûr c’est pour toi, elle se lève, toute courbée, me donne sa main, fraîche, tendre, blanche je l’embrasse, allez va au revoir
garder certaines relations comme des bijoux - (le cygne blanc en fond sonore) – aller la voir, lui porter des roses prises au coin du boulevard et de la rue, la fleuriste qui me prend pour un chanteur, je suis un chanteur, oui, mais non je ne suis pas lui – c'est fou ce que vous lui ressemblez, attendez.. oui, Charles Dumont, (je ne crois pas qu’il l’ait passée à gauche, son arme, pourquoi veux-tu ? - quatre-vingt treize…) aujourd’hui elle en aurait cent-six, hier j’ai été informé de plusieurs dates (celle du décès de l’un de ses beaux-frères entre autres), ça n’a pas mis de choses tellement plus au point qu’elles n’étaient déjà, tout ça est d’un flou – cette esthétique du tiret commence à me taper sur les nerfs. C’est pour ne pas mettre de point, mais ensuite à quoi ça peut bien servir ? C'est à cause du flou. Elle était là, à coudre assise sur son lit, dans une autre chambre parce qu’on était en train de repeindre la sienne, toute petite au cinquième – (les yeux noirs Pomplamoose) il semble qu’elle avait avec les propriétaires (ils sont morts, à présent et l’enceinte a été cédée rachetée et désormais se trouve en travaux) des relations d’amitié - très particulières rarissimes mais elle avait ce chic - et qu’ils lui concédaient un loyer défiant toute concurrence – selon certain.es c’est la raison pour laquelle elle se trouvait en butte aux exactions de la direction d’alors. On en avait marre des locataires à l’année, surtout celle-là qui ne rapportait pour ainsi dire rien – son apé-elle – personnalisée au logement – sans revenu – c’est revenu à la surface des choses, hier, dans ce bureau, soixante-quinze mètres carrés, coin de rue, premier étage moquette bleu et or dans les escaliers jouxtant les Champs-Élysées deux écrans aux murs (taupe et blanc, fatalement) de deux mètres carrés chacun afin que chacun puisse voir les conclusions des conseils d’administration, les cours, les résultats portés au « pauvre point » – eau plate ou gazeuse ? Une table rectangulaire, une quinzaine de fauteuils pivotant revêtus de tissu bordeaux. Un café vous ferait plaisir ? Les hôtels quatre ou cinq étoiles, les grosses bagnoles absurdes et abjectes mais estampillées 1 au code de l’air pollué – bienvenue – cette ville dans laquelle se promenait Poiccard cherchant Franchini… Ce quartier-là où elle vendait le New-York Herald Tribune (on lui avait fait faire sur mesure son t-shirt aux chiffres de l’organe). J’y étais arrivé par cette rue où siège un restaurant « tziganes cosaques balalaïkas ».
(aujourd’hui, son faste est certes moindre - la faute à qui ? le nom qu'il porte est assez spécieux si tu veux voir mais enfin)
Dans la matinée d’un vingt-quatre ou vingt-cinq juillet voilà un demi-siècle, L. amenait là sa famille, sa sœur cadette, veuve de l’avant-veille, et ses quatre enfants, (Revoir Paris Trenet). ils y mangèrent de ces plats de l’est, exotiques venant de l'au-delà du rideau de fer mais se souvenant de l'époque pas si éloignée où régnait le tsar, de ces pâtés en croûte, de ces toasts & blinis aux petits œufs noirs de poisson et y burent de l’alcool de pomme de terre. Ces goûts de L. pour les choses onéreuses se sont sans doute par osmose intégrées aux sentiments futurs de ces mômes-là. Encore qu’ils aient à ce moment-là pratiquement atteint l’âge adulte (le poète disait « où s’amuser tout seul ne suffit plus » mais c’est plus tard encore). Dans les mois qui suivirent, la plupart d’entre eux (ils n’étaient que 4, trois s’emparèrent de cette espèce de liberté) s’en allèrent hors des frontières qui du pays, qui du continent, pour y faire leur vie, comme on dit improprement, car nous ne la faisons pas, mais c’est elle qui nous fait. Ce n’est pas un rêve dit le fou chantant, mais tout s’en allait. Bonjour la vie, bonjour mon vieux soleil
espèce de codicille : je me suis saisi d’un jour du journal (ici le lien) (j’ai cru comprendre la consigne par ce biais) pour voir, juste pour voir – j’ai recherché l’image quelque part – j’ai trouvé celle du cabaret (je n’ai pas mentionné les joueurs de violon et d’accordéon, parce que à midi ils n’officient pas) dans le registre autonome et automatique – mais tout a changé, c’est un club privé – plus rien des pirojkis salaisons salade dite du pays à la mayonnaise – je n’ai pas regardé je ne savais pas tomber sur cette éventualité – en entrée de tentative, une image de ces espèces de chaussons (la légende de l’image indique : Pirojkis farcis à la viande, au riz, à l’oignon et aux champignons. Ils ont été coupés en deux afin d’en révéler la farce)
J’apprends à te lire et j’avoue aimer de plus en plus me promener en compagnie de tes pensées. Je ne sais pas quel chemin tu as emprunté pour que la consigne t’emmène là et, franchement, ce n’est pas important, mais ta compagnie est bien agréable (c’est pas vraiment le mot mais ça s’en approche). Merci pour ce (tout) petit bout de chemin. Au fait, les liens dans la capsule « À propos de… » semblent inefficaces. À moins que mon ordi ait un moment d’humeur.
merci à toi – les liens marchent mal (surtout celui vers l’Air Nu) (le premier), j’essaye souvent de changer mais sans y parvenir… (je (te)repose ici celui vers le blog « pendant le week-end » : http://www.pendantleweekend.net/ – merci encore
Touchée aussi, au-delà de la consigne, dont s’éloigner pour finalement un rendu si émotionnellement fort, comment dire, c’est juste une clé d’entrée. Merci.
merci à vous Perle – la consigne, comment dire ?… hum – en tout cas, il me semble cocher pas mal de cases (comme on dit) avec votre digest de fin de contribution – d’ailleurs je vais continuer… Merci à vous
oui j’aime beaucoup cette évasion (et l’évasion dans l’évasion avec les tirets qui agacent)
et puis pas que l’évasion
merci de votre lecture Brigitte
Rétroliens : #photofiction #05 | un (deuxième) jour en quinze – Tiers Livre | les cycles atelier d'écriture
La première phrase du commentaire de Jean-Luc est parfaitement valable pour moi. 🙂 J’adore ta réflexion sur les tirets. Beaucoup aimé tes deux cinq, vraiment. Tu peux m’en écrire une ? Lol. La première cinq, beaucoup aimé.
ravi de ta lecture – jte mets un tiret pour la peine – un autre : merci à toi
ah oui alors quand tu nous embarques, c’est pour de bon… même si souvent il me manque des références pour tout comprendre
beaucoup aimé « je suis un chanteur » et « c’est fou ce que vous lui ressemblez… »
l’impression d’être dans l’entre-deux…
ah ben je viens juste de poser un commentaire chez toi (comak) (ça m’a inspiré, ta photo – tes photos) (oui c’est un peu abstrait tout ça – faudrait que j’explicite…) (merci à toi)
La consigne c’est pour les bagages… et le bagage est un journal avec
des mains et des fleurs ( on a envie de la croiser) elle qui « avait ce chic « . Les petites tâches sur les mains très blanches…on ne voit pas les fleurs on imagine la tête de la fleuriste qui parle avec C. D.le chanteur qui sourit trop
Le Raspoutine en 1979 l’homme qui m’y emmenait glissait des pourboires de cinquante francs sous les verres, un Italien il m’avait embauchée pour garder l’exposition de peinture qu’il s’était offerte dans une galerie des Champs-Elysées ( si les violons s’approchent les larmes font surface c’est c..)