La première photo. Trois types inquiétants. Terrible envie de les pendre en photo. Surtout ne pas être vue. Ils pourraient se mettre en colère m’insulter me frapper. Avec l’air de rien avant de les dépasser déclic. Ils sont vus d’en bas immenses des jambes interminables surtout celui qui porte un bermuda ahurissant. Très net sur la photo plus de trous que de tissu ? A travers les trous ses genoux cagneux et ses cuisses maigres. Et pour retenir ce falzar qui n’en a que le nom une ceinture de cuir énorme à la boucle rutilante. Le reste de son corps noyé dans le flou… De son copain on aperçoit les sneakers énormes. Ses pieds semblent gigantesques parce que en premier plan agrandis à en crever le cadre de la photo. Festival de couleurs orange jaune vert vif vert foncé. Des Nike. Doivent coûter bonbon… Le troisième s’est penché durant la prise de vue et c’est son visage qui surgit en premier plan. Remarquable. Un visage dur tout en angles pommettes saillantes. Les deux côtés du crane rasés au milieu une flaque de cheveux noirs et drus et un toupet qui se dresse en point d’interrogation.
Deuxième photo. Un banc branlant. Un ourson en peluche fatigué usé d’avoir été trop caressé. J’imagine l’enfant qui pleure inconsolable de l’avoir perdu.
Troisième photo. Un semblant de marché aux puces. Quelques étals. Le premier est photographié d’assez près pour dévoiler ses tristes trésors. On devine des clés des tournevis des casseroles cabossées des ampoules électriques ce ne sont pas des LED un tas de chiffons et derrière une petite vieille sous un châle tassée comme endormie.
Quatrième photo. Pas besoin de me cacher pour photographier la passerelle qui enjambe le périphérique rejoignant la Joliette à l’Estaque. Je joue le jeu. Je ne m’arrête pas pour cadrer. Photo en mouvement du garde-corps qui empêche la chute des piétons dans le vide. Entre les barreaux d’acier se sont agglutinées toutes les saloperies possibles. Des sacs de plastique des papiers des feuilles des brins de tissus des préservatifs des ficelles. Poussés par le vent ils assurent un double rempart de protection. Gros plan sur nos détritus invasifs.
Cinquième photo. De guingois. Une SDF installée dans le renfoncement d’un magasin fermé. Pendue à la grille une pancarte « à louer » écrit en rouge sang. Jeune encore hilare elle doit vociférer. Des insultes ? Ses délires d’un monde meilleur ? Une vieille chanson ? Tout contre elle un molosse placide. Pour elle une couche de cartons. Pour lui un coussin confortable. Elle boit. Pas de l’eau. Le chien a devant lui une écuelle remplie.
La ville en sa périphérie, sale, dévastée, lieux abandonnés, repaires des indésirables ou des invisibles. Et au loin la mer scintille de mille vagues.
Bonjour Christiane
Merci pour ces photos prises dans les marges de Marseille. Cinq flashs de réalité dans une belle description.