#boost #03 | Peur de son ombre

J’ai peur de mon ombre, peur de regarder derrière moi.
Peur ancestrale, de celle qui te guette à tous les coins de rues. Pas vraiment peur d’étrange rencontre, ni de toute entrée en contact, de l’autre en approche, parfois chercher la faille, la mauvaise intention, le regard de travers, voir arriver rassure, on se sent un minimum préparée, on pense que l’on pourrait anticiper, se rassurer, rasséréner… non, ce serait plutôt une peur, angle-mort, froid dans le dos, pas sentie venir.
Peur pas qui résonnent, battent les pavés se rapprochant trop dangereusement de moi, peur de trébucher, flancher, s’effondrer, peur des pavés glissants, de me fouler une cheville, tordre un genou, m’effondrer. Me préparer à obliquer soudainement, semer des poursuivants ou peut-être juste s’écarter pour se laisser dépasser par un simple passant. Peur qui rend toute présence suspecte, même la plus inoffensive, mais tu voudrais que les rues se désertent pour toi?
Peur qu’en cas de besoin, personne ne soit là ou bien pire ne lève ni voix ni petit doigt. Peur de fuir en abandonnant à son triste sort de suivant celui ou celle qui pourrait venir s’interposer
Tenter d’occuper mon esprit autrement, ne pas laisser d’interstice, la frayeur ne pourra se frayer un chemin dans des pensées lumineuses, mais on ne choisit pas ce que sème un esprit intranquille. Peur écho de ces regards posés sur moi, peur de ce domaine dans lequel je ne devrais pas exactement me trouver, peur d’un petit mensonge, juste un non-dit, peur d’avoir osé m’aventurer jusqu’ici.
Peur du moindre bruissement, telle une biche aux aguets, des frissons et mon pouls qui s’emballe, on est si loin des forêts ici, pas d’arbre auquel grimper de grotte dans laquelle se réfugier, encore faudrait-il sonder, rapidité vertige et taille du goulot d’entrée. Pas chaussée pour courir, pas taillée pour non plus. Serais-je dans la même situation si je m’étais habillée différemment, moins dévoilée, plus anonymisée, peur de ne pas être passe-partout, d’avoir sans le vouloir, déclenché la curiosité, éveillé des soupçons, de viles tentations. Peur d’une méprise ? je ne suis pas celle que vous croyez, mais qui pourrait mériter ce sort : personne, ne vas pas te mettre à accepter l’inacceptable.
Peur souffle dans le creux de la nuque, haleine plus ou moins chargée, pas le temps de l’analyser, prendre ses jambes à son cou, ou au contraire ralentir, volte face, face your fear, regarde la peur droit dans les yeux ; faut du courage, y croyais tant que non confrontée à la réalité.
Peur bruit cliquetis, peur de jeter un œil dans mon dos, peur de comprendre ce qui se prépare, pas besoin de formol déjà mes jambes en coton. Peur de constater pauvre fille qu’il n’y a pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde, que tous tes fantômes naissent de ton esprit trouilllard et dérangé .Peur de ne plus jamais se laisser aller à la douceur des silencieuses déambulations solitaires. Peur de ne plus pouvoir nulle part marcher sereinement seule et non accompagnée…

Codicille: écrit en temps de grippe, sûrement dans le lointain sillage du mandarin miraculeux d’Asli Erdogan qui arpente seule les rues de Genève se met en danger dans les rues mal famées, il faudrait que je le relise, sûrement aussi réécouter le podcast « Traverser les forêts » de Judith Bordas.

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)

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