Qu’il ait une ombre. Que, tout modeste, il s’acquitte lui aussi de cette taxe terrestre, qui veut que toute place qu’on prend on la rende aussitôt au sol. Petit poteau. Qu’il ait une ombre. Qu’à sa façon simple des êtres unicellulaires à qui l’on a un jour confié un seul secret pour tout le long et le diffus de la vie, il ait la force quand même d’avoir une ombre. Petit poteau à tête ronde au bout, qui, sans l’achever, exagère le caractère rudimentaire que peut prendre l’existence sur terre, d’être petit poteau de trottoir aligné entre d’autres petits poteaux, sous le soir de juillet, ombre brisée sur le rebord. Droit comme soldat de plomb. Manchot. Définitif et rien. Dans quelques années, réaménagement urbain, petit poteau finira. On discerne encore, en bas, la forme ronde du trou foré, c’est ce même mou du goudron devant la machine qui hier permettait de l’enraciner qui permettra demain qu’avec fluidité on l’arrache. Quelques mauvaises herbes farouchement poussées au pied de ses voisins. Pas lui le mien. Comme au cimetière comparer les tombes. Petit poteau de rue perpendiculaire à une plus grande. On entendra, sans les voir, les voitures passer. C’est par contre même ciel. C’est encore un nouvel été.
Délicieusement poétique.
En panne devant ce mur à construire, de lire votre très beau texte m’a offert une ouverture… on se sent poteau et s’y tenir très fort – à sa poésie.
Milène, l’éclaireuse !