Une image fugace de celui qui se prend entre les rouleaux du moulin, écrasé, hurlant. Une image insistante qui revient ne lâche plus, envahit..
Comment naissent de telles images, d’où viennent-elles ? Un souvenir, un conscience aiguë du danger ? Une impulsion de tout l’être ? Il ne l’a pas poussé, il ne le poussera pas, c’est juste avant, avant ce qui pourrait arriver… Il ne doit pas s’approcher, c’est comme une tentation que toute sa volonté arrive à peine à éloigner, et cela toujours recommencé jusqu’à l’épuisement ou que surgisse une autre image terrible… Plus il la chasse et plus elle revient, s’affine, se précise en d’infinis détails qui la renouvelle et l’amplifie, prolifère, impossible à chasser…
Un frôlement, la sensation, la certitude qu’il y a quelque chose dessous qui va le renverser
C’est dessous, c’est sournois, c’est immobile, ça guette , ça va bouger, ça va le faire chavirer. Ce n’est pas vrai, il le sait, mais pourquoi ne serait-ce pas vrai ? Ce n’est pas impossible, c’est donc possible, probable, certain ! Il ne faut pas bouger, rester immobile, précis, discret… se fondre, s’accorder au mouvement plus global… c’est dedans, c’est tapi dessous, vigilant jusqu’à l’épuisement, parfois ça se calme. Parfois ça enfle, ça bourgeonne, ça envahit, c’est dedans, dedans le corps, pas que dans la tête.
l’impulsion de frapper, violente, définitive, d’enfoncer le couteau, répétitive, fourmillante, envahissante
Il faut jeter le couteau, le fouet , le marteau, les ciseaux, se lier les mains, les tenir derrière soi, les croiser sur la tête… des mains qui ne lui appartiennent plus, qui ont leur volonté propre, leur libre arbitre… s’arrêter juste avant le geste, au bord, du bord de l’irrémédiable, respirer un grand coup, ça va passer. Épuisant. S’y laisser aller, le faire et en finir une bonne fois pour toutes, agir… se retenir au bord, tout au bord…
Cette envie obsédante de sauter parce que c’est dangereux, irrépressible, ou de le pousser dans le vide …
Obsession du mental qui part au galop des angoisses entre-aperçues pour les éprouver, les vivre, s’assurer de quelque chose… le mental emballé qui suit sa course folle pour aller au-devant du danger et le corps qui peine à résister, qui lutte au bord du gouffre, s’accroupir, se recroqueviller, peser sur le sol, s’accrocher, s’imaginer l’accalmie et revoir la chose qui surgit à nouveau plus forte, plus violente encore, envie de savoir, de voir , d’éprouver, savoir qu’il ne faut pas, lutter.
Sourire à la lecture du quatrième fragment. Ah les fameuses phobies d’impulsions qui nous traversent tellement parfois qu’on a l’impression de devenir fou ! J’ai pensé à ça notamment.
Merci. Contente de ne pas être la seule.
le déséquilibre qui tente et repousse, la crainte
c’est ça, tout à fait. Merci.
Surtout convaincu par le deuxième fragment. Tentative d’appréhender l’innommé, sans lieu, sans forme, juste une présence.
j’ai essayé de transcrire un peu ce que des gens autour de moi peuvent dire de leurs ressentis, de m’approcher au plus près de ce qu’on peut partager avec des vrais troubles mentaux, expérimenter cette lisière que nous sommes tous capable d’appréhender un peu sans aller jusqu’à la dépossession de soi
Le rythme est intéressant, comme des vagues. En regardant l’image mise en avant, j’ai eu envie d’une chute, J’ai pensé aux nouvelles de Fritz Leiber et aux pantins dégueulasses de Gisèle Vienne. Je me suis dit soudain : et pourquoi pas justement une marionnette qui devrait d’un coup s’habituer à l’intelligence humaine dont elle aurait été doté un soir. Et raconter l’histoire de cette nuit de bataille, avant que le pantin, abruti, se trouve in fine totalement dénué d’intelligence, le matin suivant, pas du fait d’un nouveau sort, mais de fatigue… Aucun rapport avec l’exercice vous me direz, mais c’est ce qui m’a traversé à la lecture, un petit conte qui viendrait donner à voir le caractère étrangement mécanique in fine et d’un certain point de vue de l’expérience singulière et des affects.
je ne connais pas vos références mais merci, je vais aller y faire un tour. Bien sûr que cela pourrait faire un conte horrible, j’ai reculé devant les images suivantes qui me venaient, reculé à les transcrire car elles restent ensuite…
J’avoue me méfier un peu de mon mental, de son impressionnabilité, de la rémanence des images, des sons, des odeurs… y toucher un peu, pas se laisser envahir
La lettrine qui attire l’œil, la phrase en toutes petites lettres comme s’il fallait les taire et touchée par votre réponse : reculer à les transcrire de peur quelles ne restent…
Merci.