Lorsque marches dans la rue, corps s’échangent, celui qui marche n’est plus tout à fait mien car alternativement mêlé à celui-ci, celui-là, cet autre. Peau de Mille bêtes sur un banc s’apprête à souffrir un autre jour sans chaussure ni vêtement, autour de lui il a assemblé des morceaux de tissus disparates, des papiers, des bouts de plastic, c’est aussi sa maison, il aurait pu sécréter cette matière personnelle d’où l’extraire sans doute l’anéantirait aussitôt. Sur sa tête un buisson noir et dru.N’ai jamais croisé son regard, le menton est enfoncé dans sa peau de Mille Bêtes, l’ai aperçu se mouvoir très lentement en glissant sur la corne de ses grands pieds nus, courbé, rattrapant sans cesse une partie de lui-même à droite ou à gauche ou bien maintenant une sorte d’ensemble des deux mains à peu près au milieu.Peur pour lui quand il traverse la rue. Il souffle mais n’ai pas entendu sa voix. Peut-être est-ce préférable. Me dis qu’il doit entendre même que mienne, enfermée dedans.Combien de temps ou quelle vie faut-il pour perdre la faculté de parler ?
L’échange et l’épanouissement des corps, des souffles et des paroles (produisant non seulement la respiration mais toute l’atmosphère — Marielle Macé, ainsi qu’Emanuele Coccia dans « La vie des plantes », placent, chacun à leur manière, ce vaste échange sur le devant de la scène) trouve son contrepoint ou revers dans cet homme-épouvantail. Saisissant
voilà une information fort interessante, j’ai survolé un résumé de ce livre dont le sujet me plait tant, mais ce n’est pas un homme-épouvantail, c’est un homme plein d’épouvante, je crois.
ou plutôt, c’était