On croirait que tu regardes intensément un point sur le sol. Tu ne regardes en réalité qu’à l’intérieur de toi.
Tu as ce regard contrarié que tu as eu souvent. Tu ne souris pas beaucoup.
Sur cette photo non plus. Tu es une minuscule silhouette sur un immense paquebot. Le paquebot est rempli de points noirs.Tu portes un enfant dans tes bras. Tu fais route vers une nouvelle vie. Un départ ou un retour, sans rien. Tu le sais et ton visage est fermé comme il l’a été tant de fois ensuite. Elle est à côté de toi avec un autre enfant, plus grand. Tu es tout petit sur cette photo.
Pourtant ta carrure impressionne. Tu es grand et tu as de la force.
Tu fais tout de tes mains. Tu rabotes dans la cuisine et les copeaux de bois s’enroulent dans un nuage de poussière fine et dans des effluves qui varient au gré des essences de bois.
Tu cherches un emploi. Tu passes des années à chercher. La vie n’est pas simple. Les choses te pèsent.
Un jour tu as deux enfants et c’est un lourd fardeau.
Tu les regardes et tu t’étonnes de leur présence. Tu la regardes et tu la cherches encore. Tu te rappelles ton enfance. Tu oublies le reste. Tu ne sais plus que tu as deux enfants. Tu vis désormais ailleurs, dans un monde inaccessible aux autres. Seul.
quelques phrases précises, sensibles et une vie apparaît, merci.
Merci Cécile. J’ai manqué de temps pour développer…
En vous lisant, en lisant les textes de la P8, je me dis que nous pourrions faire une anthologie, pas très incomplète, de dysfonctionnements parentaux, petits et grands. Je le comprends bien ce proche inconnu. Il me semble que je le connais !
Merci Bernard. C’est vrai que chacun pioche dans son histoire personnelle qui rejoint vite l’universel…