Tu arpentes les quais de Cherbourg. Tu tires sur ta bouffarde tu bois le café-calva avec tes compagnons. Avec eux tu embarques sur les chalutiers pour de longs mois dans le froid les tempêtes. Tes mains sont calleuses crevassées de trop de sel de froid. Ta voix éraillée de trop de tabac de gros rouge de rires.
Fils de pêcheur tu sais que cette vie est dure. Tes yeux sont fixés au delà du bocage sur la mer immense. Elle t’appelle. Tes yeux la reflètent. Tu es un viking aux yeux clairs.
On t’appelle l’Abbé on ne connaît pas ton prénom. Ton nom oui tu es Lohier. Tu quittes une petite église retirée dans le bocage normand – curé tu t’ennuies – pour suivre ton rêve. La mer t’attire. Tu seras prêtre-marin.
Jamais tu ne parles de ton dieu. Tu le donnes à voir dans ton silence dans ton sourire dans tes rides dans ton soutien aux plus faibles. Tu es pour beaucoup une lumière un phare un amer. Tu es chercheur d’absolu. Tu veux apporter par l’exemple l’évangile sur ton lieu de travail.
Tu parles avec tes pairs des choses simples quotidiennes de la vie du métier de marin que vous aimez que vous détestez de la solidarité qui vous unit entre pêcheurs.
La mer est ton église. Tu prends la mer pour la première fois. Tu embarques sur le chalutier « Va ». Un petit groupe te salue. Tu es grand, maigre, timide. Inscrit maritime. Curé dans le civil.
Tu écris. Depuis toujours tu écris. Tu écris dans la langue de ton enfance celle normande de La Hague. Chaque jour tu écris un poème célébrant le Cotentin que tu aimes et la mer qui est tout pour toi.
Tu as des amis mécréants joueurs bons vivants. Avec eux à terre tu jures tu bois tu tapes le carton. Tu chantes oh pas des cantiques des chansons paillardes.
La Mission de La Mer c’est fini. Tu débarques. Tu obéis à ton église. Tu as le mal de terre. Tu renfiles la soutane. Tu milites. Tu cries ton rêve d’une société juste et fraternelle. Tu crées une coopérative une caisse de solidarité. Tu es de toutes les manifs. Tu luttes contre l’installation de l’usine de retraitement de la Hague. On te rappelle à l’ordre sans succès.
Tu es discret tu gardes tes secrets autour de ton écriture. Tu signes Cotis Capel.
Tu mets sac à terre en 1986. Dans les écoles du Cotentin les enfants apprennent tes poésies.
Toi présent / absent. Chaluteur d’âmes.
Men quoeu, men quoeu, Ch’est coume la mé.
Mon coeur, mon coeur, C’est comme la mer.
Ce très beau texte donne à voir la mer et la terre non pas comme des paysages, mais depuis l’intérieur d’une conscience, à travers les yeux du personnage. Les phrases courtes évoquent les gens de mer taiseux. Merci de nous faire découvrir ce poète, est-il traduit en français ?
Cotis Capel a eu quelques livres, récits et poèmes, traduits en français. ils sont aujourd’hui difficiles à trouver, mais oui sur certains sites. sur Google on trouve des articles le concernant et ses poèmes mis en musique et chantés par de nombreux artistes. l’avoir rencontré et connu a été pour moi très important dans ma construction de vie
amicalement
Christiane