Tu t’appelleras Vasco de Gama mon fils et tu auras un destin exceptionnel.
Quelle fée s’est donc penchée sur ton berceau pour marquer ton front bas d’un coup de baguette tordue?
Ce front, c’est vers l’immensité des océans, que tu le tournes invariablement, dès tes premiers pas. On te l’a chuchoté à peine né: rien n’est trop grand, trop beau pour toi. Tu es prêt à l’impossible pour le croire.
Ce petit village de pêcheur ne t’intéresse pas, même le royaume du Portugal est trop étriqué à tes yeux. Ici tu n’es qu’un homme parmi les autres. Ta Marraine a oublié de te donner le courage et le charisme qui sied si bien aux grands hommes. Non ton destin est ailleurs. Là où personne n’a entendu ton nom. Là où l’on se prosternera à tes pieds.
Tu n’as pas trente printemps quand tu pars enfin à l’aventure. Acte de bravoure ou pure folie.. toi même tu ne saurais dire. Le cap de bonne espérance te redonne la foi et te pousse à tenir bon. Il n’est pas glorieux ce voyage. Tu avais les dents longues, le scorbut s’est chargé de te les limer.
Amère est ta déception à la fin du périple. Les indigènes ça n’est plus ce que c’était. Du temps de l’oncle Christophe, ils savaient se tenir, avec respect et déférence le pagne et la plume sagement exhibés dans leur rôle de sauvage. Quant à toi c’est le Zamorain de Calicut qui te reçoit. Les éclats chatoyants des épaisses étoffes dans lesquelles il se drape fièrement ajoutés aux reflets miroitants des pierres précieuses qui ornent sa coiffe sont insupportables à tes pupilles fatiguées d’avoir scrutées la surface aveuglante des océans. C’est injuste. Les rôles sont inversés. Le sauvage c’est toi, la peau recouvrant à peine les os, puant et en guenilles. Il te rit au nez quand tu lui présentes tes offrandes de pacotille.
Ta colère est lancinante. Te voilà après tous ces efforts revenu à la case départ. Tu comptais sur l’ignorance et la fragilité des colonisés. Ils sont à bien des égards beaucoup plus civilisés que toi. Fini les rêves de toute puissance, de dieu vénéré sorti tout ruisselant des flots. Tu es toi. Uniquement toi. Il faut bien pourtant que tu rapportes un peu de gloire à ton retour. La diplomatie, la politique n’ont jamais été ton fort, sinon tu n’aurais pas eu besoin de t’exiler pour devenir quelqu’un. Tu fermes les yeux sur les moyens. La fin les justifie. Jusqu’à brûler un navire entier femmes et enfants d’abord.
Il est alors temps de rentrer. On te le fait comprendre. On ne veut plus de ta médiocrité ici. Là bas, personne ne sait. Ce n’est qu’un tout petit mensonge quand tu racontes à ton roi comment tu as acquis durement le droit de commercer avec ces sauvages. On te couvre d’honneur et on accroche à ton front bas le titre d’Amiral des Indes . Te voilà couvert de gloire. On écrira ton nom dans les livres d’histoire. Baume apaisant sur les blessures de ton amour propre. Enfin.
Parce qu’en tous temps et sur tous les océans du monde, passent les caravelles et restent les rois
… de pacotille.
Un désir de destinées grandioses…
Oui Daniele, encore faut il avoir les épaules assez larges pour y parvenir
essayer, c’est déjà quelque chose