#P7 | Un rien d’île

Invisible au lever du soleil — rien d’elle n’existe à l’horizon, là où ciel et mer s’attouchent, se pénètrent parfois, se confondent souvent — rien d’elle, rien d’île, à l’exception de ces jours rares où le soleil se lève au 110 et la projette alors un court instant — un mirage — bref miracle

Absente encore, longtemps dans la journée — un fin trait noir parfois la laisse deviner entre mer et ciel — illusion, mal vision, disparaissant toujours dans les brumes de chaleur de l’été, dans les gris bleutés des saisons autres

En fin de journée et parce que la terre est ronde, elle est là enfin — au moment seul où le soleil est à l’ouest, ses courtes falaises de roches blanches affleurent à l’horizon — trait blanc entre le ciel et l’eau — trait blanc sans relief — marque blanche d’une île plate longtemps pénitenciere

Violences du vent d’ouest dans les palmes — chants des merles et des mésanges — cris d’alerte d’un milan — le bruit de l’eau — aboiements des chiens — disputes des geais dans les chênes — de corbeaux dans un merisier — tous ces sons ne lui appartiennent pas — elle est trop loin, inaudible

Avec la nuit et la nuit seulement, elle se fait voir — ITA-261, son phare, émet deux longs éclats blancs de 10 secondes — Il porte à une petite trentaine de kilomètres

Codicisle : faute volontaire, recherche délibérée de ce phare dans la nuit quand contempler les étoiles n’a pas grand sens sans elle.

A propos de Ugo Pandolfi

Journalist and writer based in the island of Corsica (France) 42°45' N 9°27' E. Voir son blog : scriptor.

8 commentaires à propos de “#P7 | Un rien d’île”

  1. Grâce à vous, je l’ai vue ! J’ai aussi pensé à Tatihou.
    Et votre texte me guide dans la consigne.
    Merci

  2. Vous « là » scrutez Vous  « là »nommez. je l’imagine . Il me semble la voir dans ses mirages. Merci pour ces images aux confluents de mer et ciel

  3. Nous voilà tournés vers le même horizon, merci Ugo pour ce mirage dont je ne connaissais que le nom

  4. Merci Louise George de votre retour.
    Merci Caroline Diaz : oui le même horizon, mais votre œil est plus pertinent que le mien. Merci de vos écritures, dans le livre ou pas.

  5. Comme c’est beau, Ugo ! J’ai lu deux fois le texte avant de saisir de quoi il s’agissait. C’est très beau comme le surgissement du phare…éclaire (pardon) l’ensemble. Quelque chose de vraiment gracieux dans ce texte.