Un ovale gris massif au coeur du ciel bleu. Multiplicité de dents enchevêtrées et ronds caillouteux. Ronds mélangés à des escaliers qui se retournent. Montagne qui ressemble au continent africain. Image d’un continent face à moi avec comme cela des découpures et une masse. Masse fraîche, omniprésente. Le monde est présent, monde de calcaire. Alternance de rochers, éboulis et arbustes séchés. Le monde est né récemment et il sera indépassable, tout le temps, surplombant. Il a une grandeur admirable qui donne envie de le découvrir.
Masse protectrice légèrement menaçante en même temps. Le continent immobile nous renvoie l’impossibilité que les choses bougent. Le soleil est plus pâle. Les roches sont plus nettes. Tout se voit mieux mais c’est un continent désolé. La montagne est remplie d’yeux noirs tournés vers l’intérieur comme une présence de plusieurs êtres égocentriques. Êtres ironiques, narquois et arides. Sauvagerie aride qui coupe le ciel en son milieu. Le ciel, l’ouvert est beau mais il semble fragile face à cette masse de pierres.
Le regard suit la pente de rochers dentelés en passant par des épicéas noirs et pointus; retours aux dents puis de nouveau les arbres noirs puis de la roche de plus en plus dentelé jusqu’au sommet; de l’autre côté, des découpures brèves qui, dans l’ensemble, forment un arc jusqu’à un col et une autre montagne reprend son essor plus loin. Ce qu’on retient comme présence est au centre; densité de buttes et de rebonds: alternance de couleurs marrons des champs, des pierres amassées, de roches dures, de quelques arbres épars (arbres noirs toujours). Le regard alterne entre le dessin du contour et la densité du milieu, alternance entre le ventre de la montagne et son squelette. Tout en bas nous – criant – voitures – toits de grandes maisons. Tout le bruit d’en bas couvre les éventuels bruits de la montagne qui paraît nous regarder depuis son silence.
Une montagne en dents de scie ou tracée au trait de crayon.Mélange d’éboulis, de caillasse, de rochers: gros rocs comme des patates au coeur de butes herbeuses et d’arbres noirs. C’est un témoin qui nous regarde et on sent sa présence forte. L’instant en est imprégné. On voit le monde à travers ça. Des pierres nous causent, nous disent que le reste du monde importe peu, que tout est là, complet ici. Le ciel bleu renvoie des clartés sur la montagne.
D’immenses ombres autour de nous. Au dessus du village qui dort et du bruit de la rivière permanent, on perçoit ces grandes montagnes. Ombre préhistorique. La montagne dans sa largeur couvre l’intégralité du village qui semble blotti contre elle (bien qu’au fond de la vallée dans un large espace plat). Le bruit de la rivière est comme une réponse au silence de la montagne et génère chez elle dans l’obscurité une détente, un léger sourire. Les toits de maison d’ardoises, un pont au dessus de la rivière, l’Eglise et son clocher au dessus du reste des habitations rentre plus avant dans la montagne, minuscule chose mais nette.
Codicille: c’est un paysage contemplé il y a longtemps et je ne suis pas sûr que les sensations décrites soient réellement vécus ou recomposées en essayant de les rappeler mais c’est un paysage marquant pour moi.