La surface se nappe de vert de gris, l’eau lente masse la berge, berce les cygnes endormis. Les arbres de l’autre rive moutonnent au-dessus d’un gazon ras. L’horizon se limite à la ripisylve, un vent léger caresse les feuilles. Elles scintillent à la lumière du soir comme un rideau de reflets précieux. Le temps qu’il fait : ciel bleu traversé de nuages déchirés.
Le gris implacable du ciel redouble celui des eaux troubles, aux bouillons rapides malgré la décrue. Le chemin de halage est recouvert d’une boue limoneuse, gluante, de couleur merde d’oyson. Odeur de vase alentour. Les oiseaux échassiers parsèment les champs.
La pluie poinçonne la surface, avec un léger tintement étouffé et régulier. Un éclair jaillit en aval, découpant d’un flash le cours d’eau, les silhouettes des peupleraies et des saulaies.
Le trait clair de la rivière et son collier de brumes séparent horizontalement les verdures du paysage, bosquets et champs fourragers.
Le bleu rafraîchissant de l’onde guide le regard jusqu’à l’azur, journée sans nuages, diagonale frémissante de peupliers : tout est beau.
Cette lumière et ce temps qui changent sur la même rivière en composent des fragments visuels et évocateurs. Le premier, surtout, où la musique de la langue s’accorde au paysage.
Léger, comme de petites bulles. Les passages les plus courts sont les plus délicats pour moi à la lecture.