Matin 8h – Images soutenues par une force végétale assurant le passage de l’œil, lumière du premier champs, les troncs s’alignent suivant une diagonale établie en vertu d’une autre diagonale, celle de la lumière traversant le premier plan dans l’ordre inverse, perfection des lignes, l’arbre planté par un géomètre faisant du champs une cathédrale à ciel ouvert, les deux lignes forment une architecture, la première arche de lumière et d’écorce, sorte d’avertissement au passant , ici vous entrez quelque part, derrière le rideau d’apparence manifestant déjà le mystère dévoilé, car après à quelques mètres vient se mettre en place une perspective, une perspective inaugurale, forçant le marcheur à suspendre son attention. Le rayon passe un moment dans cette fracture d’est en ouest cisaillant l’image en deux, un ⁶appel en quelque sorte, jusqu’à ce que le regard se porte légèrement vers la gauche comme si le regard était attiré à l’inverse vers le toit de tuile, le corps d’ouvrage massif, le bâtiment
12 h – les ombres laissent passer, les ombres cèdent le passage en plein midi vers le cœur du lieu, le soleil écrase les couleurs, le sol craque, sec, la bâtisse se rapproche, lieu convoité à l’abri, les arbres, sentinelles ne peuvent rien qu’annoncer encore plus d’été, plus de soleil, plus de chaleur, ils étendent leurs longs bras d’écorce vers l’ile, cherchant plus de fraicheur, plus de rotondité de la terre, annonçant oui, la sphère. Sphère semblant immobile pour se jouer de quelques maléfices, faisant semblant de se tenir là, attendant la suite, amarrés dans le sol, les nerfs de racines à vifs comme un rire à la perspective, aux points de fuite, à l’horizon même, en attente de l’heure suivante, de la minute à venir.
15h – les dos des feuilles s agitent comme un banc de poisson à la surface de l’eau. Insaisissable . Comment cela bouge, accroche la lumière, la réfracte, fomente quelque chose de l’ordre du murissement, de l’éclosion à venir, du fruit, l’olive dans la joie incommensurable d’être justement l’arbre dans l’insouciance des siècles à venir, dans l’oubli des siècles passés. Mais qu’en sait-on de leur mémoire ? Pour être si vivant ; la sève qui remonte leur être depuis des siècles il la savent-de mémoire Quelque fois apparaissant entre les branches maintenant déchaînées par le vent un peu d’une autre lumière franchissant la voute et des touffes de cette lumière rejoignant les feuilles et parlant murmurant hurlant, les autres les arbres semblent un entier se saluent, se murmurent dans un dialecte par leurs voix le signal qu’ils sont ensemble.
19h – le vent – le soir, pas seulement l’obscurité qui s’empare du jour, mais le vent qui sert de liant, et l’air est plus dense, s’apprêtant à la nuit, et depuis ces siècles qu’ils affrontent les ténèbres, et depuis des siècles qu’ils sortent vainqueur du combat, des ténèbres et de la lumière, qu’ils jouent sur les registres de l’allégro
Allegro con brio : Joyeux et avec brio (brillance).
Allegro con fuoco : Joyeux et avec feu (avec ardeur).
Allegro con grazia : Joyeux et avec grâce.
Allegro ma non troppo : Joyeux mais pas trop (rapide mais pas trop).
Allegro moderato : Modérément joyeux.
Allegro assai : Très joyeux.
Allegro molto : Très joyeux.
Allegro espressivo : Joyeux et expressif.
Allegro grazioso : Joyeux et gracieux.
Più Allegro
23h – Nuit de pleine lune. Personne ne les voit, alignés, ROYAUME ! Ici ROYAUME de l’invisible, royaume des ombres, royaume et vents ! Royaume passager d’une beauté lunaire, royaume des bêtes nichant ici et là et demain oubliées, c’est pendant la nuit pendant cette nuit précisément, que tu feras à l’insu de tous le plein de ton langage d’arbre, nourri des astres, mangé et grignoté, tu fais le vide et en même temps le plein pour nourrir le rêve du songeur d’une nuit d’été. Vide et plein tu ex-siste à la frontière des mondes ; à la lisière des clairières, peuplées encore de fées. Peuplade inconnue, l’explorateur qui débarque ici par hasard aurait raison de te percevoir comme un peuple… si le vent d’aventure te fais chanter …
[I1]S
Assez étonnamment, on ne visualise pas forcément le paysage, la présence de la lumière et des lignes, tend à en faire un ensemble de signes abstraits. Il y a dans ces descriptions qqch qui fait penser à la calligraphie, au vitrail, à l’architecture religieuse. Peut-être qqch à gratter de ce côté là : qu’est-ce que cela donnerait si on écrivait comme on fait du vitrail, jeu de lumière, de lignes, de soudures et de transparence ?
oui c’est à réfléchir.. l’image de l’architecture religieuse ne m’est pas étrangère, je n’avais pas pensé aux vitraux ni à la calligraphie mais pourquoi pas, j’ai pensé en revanche à la difficulté qu’avait Renoir à peindre ces oliviers et que la même difficulté pouvait se rencontrer à les écrire…Merci de votre commentaire
Arrêter sa lecture et les écouter jouer allegro : belle parenthèse musicale (je trouve) merci !