L’horizon est occulté à gauche par un immeuble beige de 15 étages situé parallèlement à la première fenêtre. Un vide, au centre face, au premier plan, c’est à dire hors cadre qui correspond au sol à la rue en double sens, offre au lointain au photographe, la vision du mur d’enceinte d’immeubles semblables entre eux mais bien distincts de celui primordialement évoqué, plutôt sur le côté, par l’agencement des fenêtres et garde-fous foncés mais aussi par le blanc de la façade sali depuis, ainsi que le hall couvert métallique de l’école maternelle élémentaire Davout, nouvellement rénové, blanc et ajouré coiffé d’un drapeau tricolore, bientôt cachée par le feuillage épais des arbres du square Janis Jonis sur la droite. Au dessus-d ‘eux il est aisé de voir le ciel sans se tordre le cou. Ce panorama est un boulevard très fréquenté menant de la porte de Vincennes à la porte de Montreuil dans le sens de la lecture en remontant s’entend, pareil à un étrange plat de lasagnes champignon, épinard, du plus éloigné au plus près : une piste cyclable gris souris qui descend, ainsi que la voie de circulation traditionnelle anthracite celle-ci, séparées entre elles par la fin du trottoir noir et une rambarde de sécurité marron / le terre plein vert du tram 3 b, deux fois deux rails, leur permettant de se croiser régulièrement / la voie de circulation qui remonte, et sa jumelle pour deux roues avec au feu la fameuse rue Paganini autrement tragiquement connue sous le nom de rue des impôts.
C’est un carrefour, il y a de tout c’est trop, pas le magasin, le croisement, c’est un croisement mais pas que de routes, c’est plus. Des fois tu te dis que c’est pas possible, c’est comme dans « Truman show », tu te dis que c’est quelqu’un qui envoie, qui décides de qui passe à quel moment et tout, des fois c’est trop. C’est pile entre deux portes, alors v’la le monde, déjà, entre les bagnoles, la route du tram, les bus, les vélos persos et tout ce qui se loue maintenant, qui font là, de toutes les couleurs, que ce soit en trottis ou en byclounes, ça n’arrête pas une seconde, c’est dingo ! N’empêche c’est bien gaulé parce qu’au passage d’engins des fois tu te dis c’est chelou qu’y ai pas plus d’accidents que ça sans déconner. Et puis les touches, quoi, mais laisse tomber le nombre de gens qu’y a partout, dans tous les sens bababa, y a tout le temps du monde là, c’est H24, et puis t’as de tout avec les impôts les écoles et tout. Faut dire aussi que c’est que des barres aussi des petites, familles tranquilles et oui, c’est les portes, c’est ça.
Considérez un format carte postale, en haut, une bande de presque clair d’1/4 de la hauteur pour le ciel. Au premier plan, à gauche, un massif rectangle quasi boiteux par le peu de perspective offerte, vous contraint de tourner légèrement la tête puisque rien ne viendra par là, en décroché à l’horizon des barres plus larges que hautes en comptant le toit zingué sur lequel fond un lavis de blanc, de mauve, de gris et du mitard jusqu’à l’extérieur de l’œil la tâche immobile et sombre de quelques arbres. C’est novembre et tout est un peu délavé, le temps et le vent ne passent que sur les couleurs, buvard de brouillard du jour qui vient, rien ne se meut que peu, corbeau, moine zingue, nuage, feuillage. La sirène ouatée du premier mercredi du mois, ne sachant pas même couvrir le grondement incessant du trafic invisible, confirme qu’il est midi ce qui n’était pas certain, à priori.
Aucune étoile mais du lointain, le passage intermittent du cyclone hurlant silencieusement au sommet de la tour Eiffel. Au près, le bruit des moteurs plus ou moins affolés selon les feux de signalisations et le rythme alternatif et régulier du passage des trams en contre bas sur fond d’obscurité. Des fenêtres les plus proches on entend parfois le générique d’une série télé, le bruit de l’eau qui rince la vaisselle enfin propre et parfois ici ou là des silhouettes dans les halots bleutés semblent danser ou s’esquiver devant murs surexposés. Des coups de gueules intempestifs accompagnant la virée de leurs chiens montent de la rue, concierges désœuvrées au pied de bâtiments fantômes. Les éléments urbains se distinguent par leur densité à contenir les souffles apaisés du sommeil ou les cris retenus de la nuit qui vit. Comment envisager la persistance sonore de la vibration ininterrompue des voix à peine audibles scandés par la rythmique unique des cannettes qui s’entrechoquent dans le parc en bas autrement que comme de la fenêtre d’angle du sixième étage ce dimanche 15 Août à 22h57
La pièce est normale, elle n’est pas spacieuse mais elle n’est pas petite, c’est une pièce dont on a respecté les dimensions en vigueur pour une pièce à vivre. En revanche l’appartement une fois occupé, aucune décision ne fut prise pour cette pièce, les autres pièces, il faut bien le reconnaitre ne sont pas si mystérieuses; un évier pour la cuisine, le bac à douche de la salle d’eau, et puis l’autre suffisamment bien agencée pour recevoir la grande armoire et le lit double. Alors quoi, qu’est-ce qu’on fait ici, il faut bien manger quelque part la cuisine ne le permet pas, mais il est vraiment confortable ce canapé ce serait dommage de s’en débarrasser et puis mon bureau je le mets où? Alors très vite, elle est devenue envahie, encombrée, elle a perdu toute sa fonctionnalité en devenant trois pièces en une. Elle est donc vraiment bienvenue cette fenêtre d’angle sur le ciel de l’est parisien