Des chiens assis pour fenêtres qui donnent à chaque fois plein sud.
Dans cette chambre, petite chambre rose aux fleurs blanches, les chiens assis donnent sur la maison des voisins, une grande bâtisse carrée au toit quasiment plat qui appartient à Roger et à Lili. Des fois, des mélodies lugubres sortent de l’orgue Bontempi jouées par le fils de la maison. Ce sont aussi des oiseaux, des mésanges et des moineaux, qui viennent s’abreuver à la gouttière. Un peu plus à droite, dans le jardin des voisins, il y a une petite fontaine qui joue ses grandes eaux à la belle saison des moissons. Il y a aussi un cerisier dans ce jardin. De ce paysage, on entend souvent le chant des oiseaux et celui des voitures qui passent. On y reste cinq à dix minutes par jour dans ce paysage quand on ouvre les volets.
Dans ce paysage, il y a les volets fermés des persiennes à l’extérieur des chiens assis. C’est la nuit, les persiennes sont fermées mais on aperçoit quand même quelques rais de lumières à travers le bois des volets. Impossible de dormir à cause d’Anne Franck qui est derrière ces volets comme elle était derrière les barbelés du camp d’Auschwitz. C’est le doux visage d’Anne Franck qui apparaît derrière ces volets. Est-elle une sœur ou une amie ou simplement une âme en peine de ne pas avoir vécu ce qu’elle aurait voulu être ? Impossible de le savoir. En tout cas, Anne est derrière cette fenêtre et les yeux clos de la jeune fille qui a du mal à dormir toutes les nuits depuis qu’elle a lu le journal d’Anne Franck et qu’elle y a vu une jeune fille pétillante massacrée sous les vœux pieux d’autres yeux bleus, plus obscurs ceux-là et néanmoins fratricides.
Des chiens assis qui donnent sur le parking, un très grand parking d’un quartier isolé d’Orléans, à la pointe nord de la ville préfecture. Ce n’est pas la zone, mais ça y ressemble. En face de la fenêtre, une école publique avec barrières et portes blanches qui forme un grand quadrilatère avec une cour carrée. De la cour, s’échappent les cris des enfants et, à l’heure de la sortie des classes, des mamans voilées avec des poussettes et des enfants qui tiennent aux jupes. Sur le parking, beaucoup de voitures qui vont et viennent et dont certaines font crisser les pneus et les freins brutalement. À la gauche de l’école, il y a un immeuble rectangulaire à étages. En bas, au rez-de-chaussée, de grandes fenêtres qui donnent sur les livres d’une petite bibliothèque de quartier, une bibliothèque de proximité où l’on trouve quelques romans mais surtout des BD.
Un chien assis qui donne sur des maisons. Un peu plus loin, derrière deux grands pins, la mer, la petite mer de Gavres que l’on entend dans le bruit strident des mouettes et des sternes qui s’engouffrent dans l’impasse qui fait face à la mer. On entend le vent et on sent l’iode de l’air frais amené par le vent marin d’ouest. La fenêtre donne sur le sud. Un peu plus au sud, un îlot de terre arrimé à la petite mer où sont plantés de grands pins parasols. À gauche de ces chiens assis, la rue qui remonte et d’autres maisons de pêcheurs, de plain pied ou à une et deux étages A droite, vue sur une impasse qui se jette dans la petite mer avec une grande bâtisse blanche qui fut autrefois un café. Tout est calme ici, même l’été.
Des chiens assis qui donnent sur un grand jardin, d’autres jardins et des maisons à l’ouest. Dans le jardin, un grand cerisier qui s’épanouit et qui donne des cerises chaque été. Sous la fenêtre, un toit d’ardoise en pente avec une gouttière où s’arrêtent parfois des moineaux et des mésanges. A droite, une construction en parpaings avec une grande verrière qui s’éclaire la nuit. A droite, dans le jardin cette fois-ci, un bosquet d’arbustes avec un groseiller à fleurs, un rosier églantine et un grand ceanothe panaché à fleurs bleues en mai. Ça sent bon le vert de la pelouse et le magnolia violet en fleurs en avril. À l’ouest, un noisetier, des altheas et le lilas mauve qui sent bon au mois de mai. De cette fenêtre, on voit les cheminées des toits, les antennes TV et les antennes satellites pointées dans la même direction.