Elle n’est pas vraiment vue. Elle a des murs. Est-ce que les murs ça contrarie la notion de vue ? Elle n’est pas vraiment vue… Et s’il y a à voir, est-ce que ça change la réponse ? A voir ? Un merle, deux merles. Merle et merlette à l’aise dans leur garde-manger : un laurier généreux en baies, grosses baies de juillet. De baie en baies, le merle se laisse contempler, le laurier investi d’un mouvement, secoué, contrarie le silence du mur sur lequel il a pour habitude de pousser, de s’appuyer. Le mur fiable qui ne bouge jamais, ne change jamais… sauf un peu de couleur quand détrempé par l’averse il s’obscurcit. Dans la pluie il s’allonge, il grandit, il épaissit. Il modifie l’immuable cour intérieure.
Elle n’a pas de mouvement. Elle est cour. Intérieure. Figée par le ciment ou le béton. Difficile de l’identifier. Elle camoufle son histoire sous la mousse accumulée. Elle fait semblant de bouger. Elle utilise sans scrupule les plantes, leurs feuilles, leurs fleurs, leurs forces et leurs faiblesses. Aidée du vent, elle fait semblant de ne pas être une cour intérieur scellée au béton où seul un carré de terre a eu le laissez-passer pour les lilas. Les vieux lilas aujourd’hui blessés par la grêle. La retraite n’est pas tranquille pour les lilas de la cour intérieure. Jadis, la canicule leur a vidé le tronc. Aujourd’hui abri illusoire pour des animaux fantômes. On entre, on sort à l’œil nu du vieux tronc lilas. Pas d’habitants non plus pour la cour de centre ville.
Le figuier a pris un coup de froid. On lui a soigné le mal de gorge en lui coupant le tronc. Tenace, la mère a protégé les racines et l’automne a permis les petits. Les jolies feuilles se sont dépliées, défroissées, les troncs nouveaux se sont multipliés. Il est là, il vibre, il verdit, aujourd’hui il tremble sous le vent chaud. Il ne promet toujours pas les figues, les jolies figues à confiture. L’arbre à confiture a beaucoup à dire aujourd’hui. Il dresse ses feuilles, nombreuses, les trous laissés par la grêle en bouches ouvertes vers le ciel. Le ciel carré de la cour intérieure lui répondra-t-il pluie ou vent ? Martinet ou chauve-souris ? L’arbre à confiture a de la conversation.
La nuit s’est engouffrée dans la cour intérieure. Ou est-ce la cour qui a enfilé tout ce noir ? C’est plus épais en bas qu’en haut. Dans le ciel carré d’entre les immeubles, la lune se fait désirer. Plier l’immeuble d’en face un instant pour mesurer la distance à parcourir par l’astre. Compter les rues à franchir pour venir s’arrondir pile sur la cour.
C’est le job des chauves-souris qui commencent à arriver dès le début de l’obscurité. Elles approchent le chien, le loup, avant de plonger dans le noir de la cour en toute confiance. La place est nette, vide de présence. C’est l’heure de la cour intérieure.
J’ai fait la guêpe, attirée par le titre, j’ai aimé l’interrogation première sur la notion de vue, j’ai suivi la vie des bêtes et la présence des arbres dans la cour intérieure ; accrochée par la dernière phrase je me suis dit que fenêtre sur cour n’aurait pas été le bon titre. Merci d’avoir peuplé de mots ce vide intérieur
Merci ^_^. La guêpe attirée par le titre me rappelle qu’il y a, dans cette cour intérieure, une magnifique abeille xylocope qui revient régulièrement traîner ses ailes bleues dans les vieux lilas…