En face, ce n’est pas une forêt, ça ressemble plus à un ravin. Un ravin avec des arbres auxquels s’accrocher pour ne pas déraper. Et tout en haut de l’arbre en face, la brindille est là. Elle devine bien l’importance des racines d’en bas, des grandes branches qui inspirent la montagne et expirent les inquiétudes génétiques. Elle comprend bien aussi le désir des Humains de sculpter l’épatant du monde dans sa chair. C’est transformer les branches d’ADN en arbre généalogique, construire avec le brut, une sublimation de la lignée.
La brindille d’en face est finalement de taille respectable : en largeur, elle n’est pas très épaisse, mais en longueur elle mesure sur toute sa hauteur, 2 pouces 3/4. Le dernier quart est important. Plus primordial encore, quand le vent se lève. A ce moment-là, elle sentirait, très doucement, du bout de ses fibres une bourrasque de liberté. Tous ces courants d’air en échos lui donnent le tourni. Les ramifications macroscopiques animent ses gestes ténus de bleu. C’est comme si elle prenait réellement vie dans le balcon anodin de la beauté.
La brindille d’en face n’est pas très visible quand trop d’informations se présentent devant les yeux. Les marcheurs la voient de travers d’en bas. Il faut se mettre à sa hauteur pour déceler son squelette. Du haut de son paysage, elle change parfois de pays, modifie son point de vue. La brindille n’est pas en Grèce ni en Turquie, mais elle a toujours un peu de peine pour ses semblables inflammables. Là- bas, ça pétarade de craquements dans les flammes. Malgré sa taille très respectable, elle serait réduite en fumée noirâtre. Ça ajouterait un peu de toxicité à l’atmosphère. Finalement, entre deux cataclysmes et malgré la sève collante, elle contemple sa chance d’avoir une branche à laquelle s’attacher.
C’est voir la brindille dans l’œil du voisin et pas la poutre etc. On se prend à l’aimer cette brindille et je ne suis même pas sûre qu’elle soit épuisée… Merci de nous avoir ouvert cette fenêtre