#P7 – Forêt sans soleil

La chambre d’hôtel douillette aux allures écossaises s’ouvre sur une mince et haute terrasse pavée de dalles gravillonneuses aux nuances sableuses. Une petite table de bar avec deux chaises en paillage plastique crème attendent sous la pluie que quelques fesses viennent se poser sur elle pour admirer la futaie au Sud ou de l’autre côté le versant ouest de la demeure en pierre et au toit d’ardoises ondulé. Qui eut cru qu’à travers ce ciel complet de nuages épais ait pu percer un léger rayon de soleil ? sur le plat du muret sont posées des jardinières dans lesquelles peinent à s’épanouir de petites boules de géraniums. Compactes et aux petites feuilles toutes ramassées, le climat cette année les a rendus renfrognés. En cette fin de matinée le soleil du mois d’août aurait pu leur prodiguer une belle lumière jaune et une chaleur propices à leur croissance, mais en Normandie chose pareille n’est jamais certaine… aujourd’hui le ciel est blanc, et si ce n’est le vert tendre et fourni de la lisière de la forêt, le climat froid et humide pourrait faire penser que l’automne est déjà arrivé. Au ras du muret se distingue par son absence de feuilles le ramage tortueux et recouvert de lichens du vieux pommier. Mort, il trône au centre du petit jardin environné de murs bas et épais. Derrière lui on aperçoit les arbres de la haie délimitant le domaine. Derrière la haie deux immenses cyprès. Et derrière les cyprès se dresse la forêt. Un amoncellement de feuillus dont à cette distance il est impossible de distinguer les feuilles pour en identifier les espèces. Mais on peut se douter qu’il peut s’agir de chênes.


En ouvrant la fenêtre un vent froid pénètre dans la chambre. Le passage des voitures sur la route de l’autre côté se fait plus bruyant aujourd’hui avec la pluie. Leur rumeur s’entend de plus loin et masque le temps de leur passage le frottement des feuillages. La pluie s’est arrêtée pour laisser la place à une petite bruine. Tout ruisselle. De fines gouttelettes tombent gentiment. Quelques oiseaux s’éveillent à nouveau dans le jardin. Quelques vols. Des chants discrets dans les rhododendrons se confondent avec les sons frottés de la route et des arbres. Et soudain une bourrasque vient doucher les espoirs de tous ceux qui espéraient profiter de l’accalmie pour s’ébattre dans le jardin. Et la pluie se fait plus forte. Les gouttes serrées entre elles prennent de la vitesse et viennent claquer le ramage des arbres. Puis l’ondée se calme à nouveau. Un oiseau en profite pour se déplacer, son vol est comme une chute, une petite dégringolade rapide jusqu’à son point d’atterrissage en contrebas. L’épaisse couverture nuageuse blanche empêche toute aspiration à voir apparaître le soleil. Définitivement absent dans cette contrée

Codicille : j’avais envie de ne pas rester dans une simple constatation et de sortir des courtes phrases sujet + verbe mais que l’écriture, avec des phrases plus longues et plus complexes, cherche à nommer dans les anfractuosités du paysages les détails qui ne s’envisagent pas en un simple coup d’œil. Maigre récolte cette semaine mais précieuse. Bonne piste que j’ai envie d’explorer encore.