#P7 En bordure des deux branches d’aubépine et du mûrier en contrebas

C’est derrière les boules d’aubépine, dans leur souffle, que la crête ouest s’érige en découpe du ciel laiteux. Les nuages montent par derrière elle et ses dorsales caillouteuses pointent du vert— d’ici tapis moutonneux silencieux — en arêtes sinueuses. L’abrupt scandé par le coassement des corbeaux interdit toute analogie. Pleinement puissante. Trop pour la vue, il s’agit de revenir à la branche d’aubépine plus proche, une capture à hauteur d’homme.

Elle donne le ton l’épaisseur et les échancrures. Les trois pierriers brillent et le sentier déjà à peine perceptible entre les frênes et les hêtres, s’arrête net au premier éboulement minéral. Territoire coulé rocheux impénétrable.

C’est bien après les neuf coups de cloches du matin que les dorsales sont rouges saillantes. L’ombre des nuages en décalcomanies. Il n’y a que l’oscillation de la tramontane qui fait monter un son mat et ocre. Le souffle n’arrive pas jusqu’ici encore, les crêtes et les ravins semblent vouloir garder cette basse oscillante continue. Force intranquille là-bas, l’aubépine maintient son cadre ici. Ça y est, le rejet des milliers de feuilles qui t’habitent vient faiblement. Un martinet se joue de la masse d’air grossissante. Montagne hantée par le son de l’océan à des milliers d’année d’ici où le bruissement nouveau des feuilles annonce une journée traversée de souffles en battements continus dans la discontinuité des éclaircies.

En pleine lumière blanche le mur sable du mas dégagé sur son esplanade étroite. La mésange à tête noire ébouriffée s’épingle de ses deux pattes en fil sur une branche d’aubépine. Deux mouvements saccadés synchronisés de tête et queue avant de s’envoler un nuage s’effiloche étiré de l’étroite vallée en ligne serpentine monte un frisson d’air. Au nord les rues de nuages au-dessus de l’ample vallée délimitent l’entrée de cette vallée étroite et profonde en sa perpendiculaire, sentinelles des nuages en prise avec les courants anarchistes répondants de la crête ouest.

Au déclin du rougeoyant marbré d’orange répondent les crissements des crickets. L’humidité imprègne les feuilles d’aubépine et les mûres rosées en perles sur le bleu cobalt. Des hirondelles cohabitent pour quelques minutes encore avec deux chauves souris en battements syncopés silencieux. La ligne dorsale saillante brille au cuivre dans l’ immense corps rocheux froid qui avale tous les détails. Les courbes elliptiques plongeantes s’emmurent dedans et ne reste que le froissement des billes d’aubépine dans le noir et le plus noir encore au-delà.

A propos de Marion Dulon

Entre mots et images et éducation spécialisée, tentative de passerelles. Toujours encore écrire et questionner le faire écrire.

2 commentaires à propos de “#P7 En bordure des deux branches d’aubépine et du mûrier en contrebas”

  1. j’aime le vocabulaire utilisé et la puissance de certaines images: l’aubépine en regard des pierriers. »trop pour la vue »: je comprends bien ça.
    Merci

  2. Merci pour votre lecture. Proposition intense pour moi en tant que tentative d’embrasser ce que je ressens comme in-embrassable.