Une douzaine de petits soleils fleurissent sous le mûrier. C’est à peine si l’on voit le peson qui stabilise la mangeoire à oiseaux au sein du feuillage. Un doux bruissement lave les feuilles. L’œil est arrêté par un rideau vert et épais qu’il faudrait lacérer pour voir au-delà. Devant la vitre dix bandes de fleurs en plastique s’agitent mollement. Le sol est trempé. Le ciel peine à se refléter dans les flaques tellement la frondaison est dense. Des gouttes plus grosses tombées des arbres giclent sur la pierre plate comme un dolmen. Elle est noircie par la mousse. Déjà des feuilles sèches roulent leur coquille brune.
Le paysage est délavé. Les feuilles des arbres penchent leur assiette pour s’égoutter. L’herbe fait le dos rond. Les barbelés enfilent des perles d’eau que leur lourdeur fait éclater. Il n’y a plus de profondeur, ce n’est plus qu’un aplat ruisselant qui tombe verticalement le long de la vitre. L’eau chante dans la gouttière. Il y a bien une route au loin mais l’épaisseur du champ l’éloigne à jamais.
Les griffes des arbres tiennent à distance le monde. La terrasse est écrasée par un soleil de plomb qui ferme les yeux. Rien ne bouge, tout est implacablement lisse. A intervalles réguliers le chéneau assoiffé émet un claquement sec de dilatation. De peur d’être en retard une fourmi observée par l’œil morne d’un lézard court sur la dalle chauffée à blanc. La vitre immobile n’ose pas bouger de peur de déplacer arbres ou pierre. La mangeoire est vide.
La nuit s’affiche noire sur la vitre. Les éclairages du coteau au nord s’incrustent alors comme des diamants à l’inverse des points cardinaux sur la vitre au sud. Les points lumineux s’agitent au gré du vent faisant chanter les lanières de fleurs en plastique qui se secouent doucement. En s’approchant de la vitre les lumières s’éteignent comme elles s’étaient allumées et la nuit reprend sa place sous la pierre plate.
Le confinement a tout recouvert d’un feutre poussiéreux. Les bruits du dehors arrivent étouffés dans un intérieur silencieux. Plus aucun avion dans le ciel ni aucun camion encore moins de voitures. Tout est suspendu dans l’air au chant des oiseaux. Leurs pattes rayent le fond de la mangeoire. Parfois un tracteur passe au loin. Le paysage semble à l’étroit dans une chemise trop serrée, les arbres ont rétréci sous la dernière pluie et le carré d’herbe se plie comme un mouchoir de poche.
J’aime la puissance poétique de la nature dans tes mots. Merci Cécile.
Particulièrement aimé le dernier paragraphe qui vient replier tout le texte.
chaque phrase produit un écho avant que ne démarre la suivante. ou comme une balle qui disparaîtrait de l’autre côté. univers sonore, réverbération. sauf le dernier paragraphe, oui, mat, assourdi, enveloppé.