Le regard au bord du sol, la tête loin de la main et de ses soubresauts d’écriture, les cloches n’en finissant pas d’égrener le chapelet de l’heure, puis de le signifier une nouvelle fois au cas où l’on aurait été distrait, avant de s’élancer dans une glorification du milieu du jour, l’angélus disait-on autrefois, mais qui sait aujourd’hui ce que représente l’angélus et qui respecte cette halte de prière, ou tout simplement de pause… Tout cela s’entend et les heures continuent de passer alors même que dans la tête tout se ralentit ou s’épuise. Dans le pré au-dessus de la maison, des génisses broutent en cadence, levant parfois une tête curieuse vers cette silhouette étrange et solitaire. Les solitudes se toisent. L’air glisse devant, des voix se détachent, des bruits de vaisselle qui cogne des surfaces émaillées venant de la maison d’à côté, mais ne pas bouger, rester dans cette attente solitaire qui espère un chemin autre, neuf, dans le mirage des mots, aux abords de ce qui se tient à distance, que l’on tient à distance. L’après-midi sera lourd, à l’abri du rideau aux grosses fleurs, laides, finit-on par penser, mais qui fait semblant de contenir la chaleur au-dehors. Le temps passe entre pages d’un livre qui se tournent et détournent des pensées sauvages. Dehors rien ne change de place et cette immobilité creuse, perfore ce qui reste d’esprit, s’installe dans les failles déjà ouvertes. Alors des éclats naissent, des éclats ou peut-être simplement des rides frémissent aux tempes et le monde autour semble changer. Trois pas et de nouveau assise sur les marches de béton qui mènent au jardin. Les yeux se posent sur une branche de l’épicéa qui remue avec lassitude et happe la pupille. Des bribes de lumière s’infiltrent et jouent avec l’œil. Derrière soi, la maison vide, mais encore emplie des joies d’avant, celles qui ne seront plus. Garder la position de l’enfant, sur ces marches de l’escalier, et attendre. Et si tout s’évaporait enfin…Une question est en train de s’esquisser, une décision se prendre : s’affranchir du passé, des règles qui gèrent le séjour ici, nécessaire, mais tellement lourd. La branche d’épicéa continue ses soubresauts, et la pensée l’imite, faisant des auréoles sous un ciel calme. S’extraire du jardin et de ses lianes, aller marcher sur les chemins du soir, droit vers l’ouest pour que tout se calme, se pose, se range peut-être. Le soleil s’abaisse doucement. Les beaux arbres de la forêt d’en-bas enroulent leurs bras, enlaçant ce qui ne se voit pas. Se promener au travers des plaies du crépuscule et des ombres informes. Le pour et le contre affûtent leurs arguments : rester, partir, tel est le choix. Les ailes des anges sombres effleurent le dos, les champs au bord du chemin s’emplissent de nuit où se heurtent les pensées. On voudrait bien entendre une voix dire ce qu’il faut. Au retour dans le jardin, même le tremble s’est tu. Avec les yeux du dedans, se laisser descendre vers un infini, une source, sans savoir où.
Votre joli texte respire une tristesse que vous faites partager, il renvoie une dimension universelle.