Proposition 1
Deux escargots sur un muret. L’un est immobile, enfermé dans sa coquille ; l’autre s’avance à train de sénateur dans sa direction. Vont-ils se rencontrer, établir un contact, s’échanger des informations sur les plants de fraises voisins ? Quelques minutes plus tard, le premier a dépassé le second, sans s’arrêter, sans même un coup de corne. Une averse. Disparition des gastéropodes, fin du tableau et de l’averse.
Un cyanotype en quête de révélation par temps nuageux sur une table. Le bleu est trop clair, turquoise pâle. Le soleil se cache, le temps de pose sera plus long. Un autre retenu par une pince à linge, sèche mollement au vent. A l’ombre d’un figuier, l’image bleu indigo d’un amoureux se balance. Le bleu parfait existe-t-il ?
La zone commerciale de Plaisir plantée au milieu des champs. Au loin, tranche crue de réalité, l’enseigne suédoise jaune sur fond bleu se détache sur un ciel d’orage couleur mercure. A la croisée des mondes, indifférentes, les moissonneuses batteuses s’affairent en soulevant la poussière. J’ai acheté une nouvelle bibliothèque.
Tournée des végétaux du jardin. Une fraise à moitié mangée, des tomates vertes, plus aucune framboise, un chat vautré sur les poireaux, une vigne couchée sur le sol, une seule figue mûre à point, mais bien trop haute à atteindre. L’autosuffisance alimentaire n’est pas pour demain.
Les Mystères d’Harris Burdick. La vieille dame me raconte une histoire à propos de chaque image et les oublie aussitôt racontées. Elle choisit celle de la harpe au bord de la rivière, imagine une fée dans l’ombre d’un arbre. Le vent joue une musique céleste dans les cordes de l’instrument. De l’autre côté de la rive, un enfant et un chien cherchent à les atteindre. Son rêve s’efface à mesure qu’il avance tout comme la mémoire de ma mère qui écrit des histoires aussitôt oubliées.
La nappe rose fuchsia est restée sur la table du jardin. Quelques miettes demeurent, bribes d’une douce soirée. Une petite bougie blanche consumée. Ne pas la laver tout de suite. La pluie s’en chargera mais n’effacera pas ces souvenirs-là.
Une composition de fleurs des champs tremblotent dans un courant d’air. J’en sacrifie certaines. Elles sont déjà mortes.
Recréation d’un tableau faits de brindilles, fleurettes, tiges et feuilles sur un papier à insoler. Une pièce de monnaie jouera le rôle du soleil.
Les rayons lumineux accomplissent la métamorphose du souvenir.
Décomposition arrêtée.
Merci pour ce texte qui me touche et la photo que je trouve vraiment jolie. Petits tableaux du quotidien, à lire tranquillement.
Merci Clarence pour votre retour.
J’avais effectivement envie d’un texte qui se lit tranquillement, sans se poser de questions !
Très joli texte, Clarence, qui respire, et qui touchent les cinq sens, on y est. Merci.
Merci pour votre lecture et votre passage.
Plein de délicatesse…
Merci pour ce moment d’arrêts sur images par petites touches… Très envie de prendre mon temps tout à coup!