18 juillet, 18h. De mon banc, je vois l’enfant hocher la tête et dire non sans détourner le regard de sa tâche. L’autre enfant insiste en le charmant à l’oreille. Laisser l’enfant décider par lui-même, ne pas intervenir au risque de donner un coup de pied maladroit dans ce début de château de sable qui naît entre eux. L’enfant revient à la charge et le premier accepte alors d’ouvrir son chantier et ensemble ils construisent une motte de sable avec une énergie pleine, quelques minutes avant de se quitter, le temps a passé et les parents appellent, les enfants n’ont pas le mot de la fin.
19 juillet, 13h. Je déambule dans les rayons du supermarché, oppressée par tant de détails qui saturent mes yeux fatigués. Le tournis me prend dans le terrible exercice de faire correspondre une couleur, à un nombre de pochettes et à la présence ou non d’une couverture personnalisable. Je reprends mon souffle, et mesure l’obligation de résultat. Après plusieurs vérifications et tentatives d’abandon, remettre à plus tard, oui mais quand? Quel est l’attribut prioritaire? La couverture personnalisable ou la couleur? Je prie pour que l’enfant ait la gentillesse de faire correspondre le gris à l’appel du vert. Éradiquer le perfectionnisme maternel.
20 juillet, 10h. Seule possibilité d’être un peu seule, lorsque le bébé dort, le monde s’ouvre alors pour un œil, l’autre étant irrémédiablement attaché à son souffle. Voir passer les minutes qui comptent double, prendre le temps, souffler à moitié. Puis s’impatienter s’il dépasse le temps habituel, dégringoler lorsqu’il se réveille enfin d’une grimace couinante, être accaparée tout à coup à autre chose et le laisser pleurer, un peu.
21 juillet, 11h45. Dans l’attente d’un rendez-vous, croyant être seule enfin, entendre la conversation en cours de l’autre côté de la porte, une discussion qui se prolonge sur fond de ressentiment, exaltation d’une vidange émotionnelle sur la marche du monde, dont je fais mine de ne pas comprendre l’utilité. Se raviser aussitôt le jugement rendu, puisque je m’adonne également à ce penchant de temps à autre. Le plaisir de remâcher l’amer me prend comme si j’en étais.
22 juillet, 13h. Fou rire d’entendre une grand-mère demander dans une librairie pour enfants un livre pour dormir car à 11 mois son petit fils se réveille la nuit. La libraire s’étonne et lui répond qu’il a peut être faim ? Oui mais sa fille est très fatiguée. La libraire propose un livre de petits bisous pour un moment complice avant le coucher, la grand-mère préfère « au dodo » plus utilitaire et droit au but, quelque chose de sérieux et raisonnable face au tumulte émotionnel de l’enfant qui s’exprime. Un livre médicament, un livre tout de même.
23 juillet, 10h30. Arrivée dans le train le bébé dans les bras, une jeune femme arrive à son tour et dure est son oeil quand elle voit que sa place est à coté de nous, « c’est n’importe quoi » dit-elle à son pote. Rougir de ses yeux durs, j’ai eu son âge, laisser couler son œil sec qui se cogne aux pierres, n’être qu’une eau fluide qui les contourne, faire mon job. Le bébé ne fait pas un bruit de tout le trajet. Le regarder dormir, sentiment décrit des centaines de fois et vécut à nouveau dans sa grâce originelle. Donner tort aux préjugés.
24 juillet, 17h. Une pluie fine venant du large nous saisit au premier jour des vacances en amont de la plage et le bébé n’a pas sa capote de pluie. Se blottir dans nos serviettes de plage dans le prolongement d’un tronc d’arbre, protéger la poussette et laisser passer l’averse. Voir quelques silhouettes collées aux troncs des pins et penser que je me tuerai pour ce bébé. Pour l’heure, se faire parapluie pour lui, de là peut être est née l’idée des bonshommes Barpapa, être un parapluie pour son bébé. Folie maternelle. Pas de possibilité d’être seule, temporairement.
La vie sur antenne et une jolie trouvaille (l’œil irrémédiablement attaché au souffle de l’enfant). J’aime la modalisation le laisser pleurer, un peu. un livre tout de même. temporairement.
Et joie de lire ici « c’est n’importe quoi » (cf ma P#4) 😉 merci !
Merci
Mais bien sûr ! ça donne une autre épaisseur à ce texte de penser à votre p#4, ça circule, merci
« (…) et penser que je me tuerai pour ce bébé. » Un texte qui résonne fort. Je suis père depuis six mois et je ressens beaucoup de choses, les choses dont tu parles. Et puis le temps qu’il faut arracher mais que parfois l’enfant t’aide aussi à trouver parce que tu dois te déployer dans les espaces de temps qu’il te laisse . Et l’entourage aussi, pour qui l’écriture n’est pas toujours compréhensible, essentielle… Bref merci pour ce texte qui fait écho avec certains passages de ma proposition #P6. (Écrire ce commentaire avec l’enfant en porte-bébé qui refuse de dormir et sa compagne qui souhaite absolument plier la tente de protection de plage à ce moment là. Veiller quand les autres dorment est parfois la seule solution…)
ça fait remonter des souvenirs encore frais… Moi je n’aurais pas eu la force, vu le morceau sur lequel je suis tombée, de faire un atelier comme vous avec mon fils en très bas âge… bravo. Bravo surtout de sauvegarder votre espace de réception (plus difficile à mon sens dans ces conditions qu’un espace d’expression). L’oeil dur de cette femme le 23 juillet… Comme je le connais (avec un enfant hurleur en prime). Et cette folie maternelle aussi. Merci.
Merci pour tes encouragements et ta sympathie ! C’est vrai que c’est difficile je ne sais pas encore bien pourquoi je me suis lancée dans ces conditions, mais la tension que cela génère est parfois féconde … et parfois fatigante aussi.
Merci pour ton commentaire qui fait du bien. Je partage ces moments où je lutte pour créer une bulle autour de moi et rentrer dans le flux de l’écriture malgré tout le reste qui m’appelle au dehors.