Le jour d’avant 01
Sur le port le long du canal le vent souffle. Sous les saules, 3 tables, des bancs, 5 personnes viennent écrire. Le vent bouscule les papiers, les livres cherchent à les retenir. Retrouver les mots pour embarquer l’atelier vers une rencontre au fond de l’Océan. L’Océan que nous saluons avec Lautréamont. Plaisir pour chacun de clamer à sa manière « Je te salue, vieil océan ! ». Mais le vent nous fait courir derrière les feuilles jetées sur l’herbe. Piocher, coller un animal marin, écrire, donner son texte à qui le veut et qui va écrire la suite. Maintenant le vent souffle dans ma tête. Difficile de rester concentrée pour commenter les textes. Comment faire taire le vent ? Peut-être tout simplement l’écrire.
Le jour d’avant 02
Depuis un marché en Martinique, entendus à la radio, des mots baumes au cœur, avec la plante « A tous maux ». Oh mais voilà ce qu’il faut à ma tête vide. Une plante « A tous mots » qui me donnerait tous les mots dont j’aurais besoin à chaque instant. Une plante « Atout mots », un joker pour écrire une autre vie.
Le jour d’avant 03
Tout est calme, les feuilles du noyer tremblotent en silence, les oiseaux envolés je ne sais où, pas de tondeuse ce matin, un moteur de voiture très loin, un avion qui passe discrètement, rien qu’un grésillement d’insecte volant collé à la fenêtre et un léger sifflement interne … vite retrouver la vie à l’aide de mes écouteurs auditifs.
Le jour d’avant 04
Deux amies sur une terrasse de salon de thé. Tables et chaises sur l’herbe, des tiges hautes fleuries qui cachent le parking. Un lieu hors-ville, avec des garages automobiles pas loin, une zone commerciale, presque un no man’s land. Et puis plus haut les sommets de la petite montagne dans une lueur changeante. On balance nos tensions, nos déceptions et on les oublie en dégustant un biscuit exotique, le regard perdu dans l’inattendu du paysage.
Le jour d’avant 05
Fatiguer le jardin avec la tondeuse, un couteau et des gants, faire la nique à toutes ces herbes qui se dressent sans complexe et qu’on ne veut pas voir. Elles sont faciles à déterrer, mais quand on croit enfin les avoir neutralisées, d’autres surgissent, encore et encore, comme une génération spontanée. La sueur coule, la casquette se mouille, soudain le chat dans mes jambes, c’est l’heure de son repas. La délivrance grâce à Luckycat.
Le jour d’avant 06
Mauvais jour. Vide, tristesse, envie de rester en boule. Sortir, prendre la voiture pour chercher le repas, routine obligée. La voiture grince. Un son métallique irrégulier, assorti d’un bruit de liquide en mouvement. Un jour proche elle tombera en panne. Mais aujourd’hui ce fond sonore de carrosserie et d’amortisseurs fatigués me tient compagnie. Peut-être un être issu d’un autre âge est-il en train de gratter la carlingue pour s’en échapper ou rassurer ma solitude ?
Le jour d’avant 07
Je marche tranquille. C’est la balade du TGV Paris/Strasbourg, celle qui va jusqu’au tunnel, qui passe par l’étang de pêche, la bergerie, la forêt, les chevaux dans les prés. Je marche tranquille. Lumière dorée sur la plaine. Et puis je change de pays, je suis sur une île bretonne. C’est bon de savoir que l’Océan n’est pas loin. Oui, là-bas, derrière les champs, il y a la route qui longe la côte. C’est bon de vivre sur cette île. Je connais ses vallons, ses phares, ses plages. Je marche tranquille. C’est bon d’être de retour enfin. Je te salue, vieil océan !
J’aime vraiment beaucoup beaucoup. Un journal vraiment touchant, juste, qui m’a profondément émue. Merci !
Merci beaucoup Emilie. Tu m’encourages et ça fait du bien.