vendredi 30 juillet – Allongé, le corps offert aux rayons mordants du soleil, les yeux mi-clos, la lumière à travers les paupières, saisi par la fraîcheur de l’eau à peine salée, la guêpe sur le dos qui tourne en vibrant à la surface, les bourdons superposés des cigales, l’odeur des pins. Sept bougies dont une en forme de quatre sur un gros fraisier.
jeudi 29 juillet – On pousse les tables, la communauté dans la danse et les musiques que l’on déteste.
mercredi 28 juillet – Le quintette déroule un jazz sans aspérité, conservateur et efficace. Une belle ligne de basse sur Bullitt de Lalo Schiffrin. Les crânes sont moins dégarnis que lundi.
mardi 27 juillet – Dans le lit du gardon, la vallée encaissée, si luxuriante pour la saison, les lianes qui tracent leur chemin, enlaçant tout ce qui peut faire office de support, étouffant, recouvrant des bosquets entiers, le filet d’eau sur le schiste argenté, étincelant de mica, les bancs de sable et de galets parsemés de jeunes pousses de peupliers, la petite retenue et le trou d’eau traversé de quelques éclairs vifs.
lundi 26 juillet – Un homme et une femme, l’envol syncopé des bandonéons, les soufflets grands ouverts, leur chute brusque sur la jambe, cassés sur le genou. Fin du morceau. Les têtes sont blanches ou dégarnies, les brushing gonflés impeccables. Qui viendra écouter cette musique dans dix ans ?
dimanche 25 juillet – Neuf kilomètres avec Laurent, les champs de courges et de courgettes, les vieux mas isolés, les chiens qui aboient, la campagne mécanisée, le petit cour d’eau malmené par l’irrigation et la chimie agricole.
samedi 24 juillet – Les yeux bleus du propriétaire de la pizzeria, courte moustache, paupière tombante, visage bon et doux de chien. Il me rappelle la théorie des caractères félins et canins d’une nouvelle de Fitzgerald.
Je partage ces journées avec Sylvia, le fantôme de Daewoo de François Bon, avec Vincent, notre fantôme. Impossible rencontre dans l’impasse de mon imaginaire. Dead end. Fracassés sur le mur d’un présent intenable. La destruction intime et profonde d’un individu par son rapport au travail. Sans doute pas que le travail. Qui sait ? Restes la sidération, le vertige de l’absence, les questions sans réponse, les silences chargés, les vivants cabossés, bringuebalants, prêts à poursuivre, pas le choix, une part en moins.
on entre dans chaque moment, on approche l’insecte, on sent la lumière sur les paupières, on entend la ligne de basse, en entre dans la vision des corps l’homme la femme, puis on perçoit quelque chose d’anormal, on ne sait pas si on a bien compris, une inquiétude. Puis viennent les mots , j’allais écrire vos morts, puis viennent vos mots, Benoît, pour dire cette sidération, cette infinie absence.
merci Ana pour ta lecture. Je n’étais pas très satisfait de ce texte, et le relire a fait surgir l’émotion. Il dit bien ce qu’ont été ces moments pris au hasard. Je ne vais rien lui demander de plus.