Dimanche – Un déjeuner sous l’arbre, ciel pur, légère brise, le pan-bagnat en main je traverse la place, tout ici me revient familier, le présent s’offre tranquille dans sa banalité, il y n’a pas de questions – pas de douleur. Un léger sourire au-dessus plane ni sarcastique ni ironique, c’est pas la plénitude non plus. Ce n’est pas doux ce n’est pas tendre, mais on fait attention à ne s’accrocher à rien de blessant. Le pan-bagnat me renvoie à cet entre-deux du moment, du passé et de l’avenir puisque j’ingère mon énergie pour la journée. Le pan-bagnat c’est le sud, c’est la glacière de tante C à la plage de G, les trucs pas vulgaires mais de tous les jours, des jours pas riches – une chanson de Jonas), des trucs de quand on est revenu, de quand on est arrivé, des trucs de débutants dans la vie, des choses légères fragiles. Oui c’est que je me dis, à l’horizon, mes montagnes, les Alpes, la grande masse de roches
Lundi – L’homme qui marche – Fondation : l’homme a-t-il toujours marché ? L’homme qui (remplace le sujet) mais qui est le sujet ? Depuis le temps qu’il marche, je voulais faire un journal uniquement tourné vers lui, faire le journal de mes « relations avec lui » quand je le vois, où ? Je l’aperçois un bref instant, dans son élan de marche. Un jour, je me suis dit : tu le verras rarement, il te faut non le remplacer mais inventer une façon d’être en sa présence quand même… j’ai regardé un portrait de Giacometti – j’ai regardé les dessins de Giacometti – j’ai acheté une biographie de Giacometti. J’ai appris qu’Alberto perdait souvent l’équilibre, or son homme qui marche ( et on ne sait pas qui est le sujet), démontre un équilibre contraire dans sa marche, ça m’ a mis la puce à l’oreille.
Retour en voiture sous la pluie dans la forêt de la Sine – lumière, beaucoup de pluie, le soleil passe au travers des gouttes, c’est un orage d’été comme on dit ; ça dure 5 minutes, je roule au pas pour aspirer le paysage, les pins, la cloche de verdure dans ce paysage habité, pas de trace de végétation sauvage, tout est domestiqué, le camping sur la gauche, la pluie tombe, reste de nature se frayant un passage vers les humains.
Mardi – piscine, relecture du journal de Franz Kafka : j’irai au bout de ce journal ? je pressens quelque chose.
Mercredi – Marche dans la ruelle, marcher, le réel ? Des enfants jouent, la rue est éventrée par les travaux, des barrières partout, des trous, des engins de chantier. Le troquet en haut des marches. Passer devant une porte entrouverte. Comme si la rue allait me livrer sa vérité, elle me la livre, je passe. De quoi est-elle faite ? de quelle étoffe ? on dirait qu’elle a toujours été là et que si elle se montre, c’est pour dire quelque chose, quelque chose d’essentiel à notre sujet. Cet insaisissable et je sais déjà que demain, elle se sera effacée, ne laissant qu’une trace fragile dans une mémoire volatile.
Jeudi – passer prendre de l’essence, vérifier la liste des courses, tenir des carnets – faire, des projets : recopier les notes dans les carnets, le réchauffement climatique, faire de projets de lecture, de réunion, d’atelier, essayer d’avancer.
Vendredi – journée (rien ne me viens :si! : «Il n’y a rien, il se passe rien et pourtant tout arrive »)
Samedi ORDINATEUR recherches diverses éparpillement butinage réflexions au fil de l’eau, tentative de points divers, songes, souvenirs d’école, retour en arrière, tentative de compréhension, bains au huiles essentielles, réfléchir à un texte, faire les courses (un air ‘une chanson de Bashung, « bijoux bijoux ; pense à tes rendez-vous »), séparer – regarder ce qui dans le passé portait le présent, découvrir, laisser venir.