Seule, creux de la nuit, 2h02. Soudain je me réveille, brusquement je me réveille, totalement je me réveille, avec l’impression que ma nuit est finie et pourtant elle commence. Me trotte dans la tête les vacances prochaines, la proposition #P6 à écrire. Je suis mal à l’aise avec la consigne de l’Épiphanie. D’abord ce mot, je ne le comprends pas bien, il m’impressionne, je croyais qu’il avait un rapport avec Dieu. Et comment écrire sur le réel sans parler de moi, j’avoue, je suis partout, partout, partout, tout le temps. Tiens, j’entends une sirène au loin: ambulance, SAMU, pompier? A cette heure c’est une urgence, rien de bon. Remarque, pour celui qui conduit, ça va, rien d’inhabituel, il fait son boulot, c’est son quotidien, c’est pour celui qui est transporté que la situation est exceptionnelle, impérieuse, grave, tragique. Le son de la sirène n’a résonné que quelques secondes, c’était il y a plus d’une demi heure et je suis toujours scotchée à cette fulgurance. Maintenant où est-il ce véhicule? Où sont-elles ces personnes? Celle qui conduisait? Celle qui était transportée? Moi, je n’ai pas bougé, je suis toujours là, dans ce bloc de mots, à fatiguer la consigne. Seule, à écouter l’instant présent, attentive au réel, en contact avec mes perceptions, mes sensations. Je me fatigue, oui. La batterie de mon ordi aussi fatigue, elle se vide, plus que 27%. Dans mon ventre ça remue, ça gargouille, c’est peut-être les lentilles de ce midi ou les deux figues séchées que je viens de manger (mon bide bosse aussi). Tiens, mes yeux se ferment, ma tête se penche, ma respiration ralentit, la batterie de mon ordi se vide toujours plus, 14%, les minutes s’égrènent, 4h32. Allez, me rendormir, mettre en charge l’ordi et continuer demain. Je suis crevée. De toute façon, demain, je serai toujours là et le réel aussi.
L’Épiphanie? n’en parlons pas, c’est pour l’éternité. Si, si ça me revient, on me l’a dit quand j’étais petite.
Bonne nuit.
Je pense en te lisant et en voyant cette sensibilité aux bruits du dehors aux Carnets de Malte Laurids Brigge, peut-être les as-tu lus ? Ils sont disponibles ici : https://www.ebooksgratuits.com/html/rilke_carnets_malte_laurids_brigge.html
Si c’est pas un honneur de recevoir un texte de Rilke, un dimanche soir ordinaire. MERCI Marion