Le matin toujours, vers le milieu, le temps est doux, peut-être gris mais pas de pluie, le bruit des dernières gouttes qui glissent tranquillement des feuilles, peut-être du vent qui pousse les cheveux dans la bouche, il vient de l’ouest. C’est là, sur un angle de la vieille table en bois, grise par les années avec ses petites touches de mousse bien verte hérissée de brins dressés et ses plaques de lichen pâle, l’angle qui est au soleil à 10h en août, la meilleure place sur le banc. Le bois s’effrite, se gondole mais résiste aux hivers, aux étés, nous ne prenons plus le temps de le protéger, cette table que l’on imaginait indestructible sera un jour recouverte par le chèvrefeuille et les ronces, joli refuge indiscernable, intégré à la forêt. En dessous la barre pour poser les pieds, les pieds la cherchent machinalement, au dessus les larges lattes espacées offrent une surface irrégulière, la tasse repose en équilibre, la tasse préalablement chauffée pour que le café ne tiédisse pas, ça gâcherait tout. On dit que le café chasse les idées noires, le café qui doit presque brûler avec les gâteaux qui ne doivent pas se dissoudre dès qu’on les trempe, le mode d’emploi est simple si la qualité est là, une fois plongé dans la tasse pouvoir le ressortir entier et en croquer un morceau, le laisser fondre dans la bouche et l’avaler avec une gorgée. Le café produit son effet, les pensées flottent doucement dispersées en petits ilots, la clarté pourrait venir, le regard sur le potager ou sur la forêt, inventaires divers, possibles trajectoires, fatigue de ce qui reste à faire, rêves d’une autre disposition, d’un autre lieu. Le bruit frissonnant des arbres jamais le silence, toujours quelque part une tronçonneuse ou une tondeuse, toujours aussi les oiseaux, les pigeons sur un même rythme, un truc comme ça ♪♩. ♩ ♫, des aboiements, en bas sur sa terrasse la voisine téléphone laissant son hautparleur, ça permet de suivre les nouvelles, c’est familier, ça enveloppe.
Codicille : Seule – je ne suis pas sûre de comprendre la proposition, je ne connais pas le journal de Kafka et la lecture plusieurs fois recommencée des extraits ne m’éclaire pas ni ne m’inspire. Je laisse infuser, lis les textes de l’atelier, admirative souvent mais perplexe aussi quand aux différentes interprétations, j’ai compris deux exercices, séparés. Ce qui m’aide c’est cette idée de fatiguer le texte, démarrer le premier bloc et y revenir chaque jour, et je suis toujours étonnée de ce qui vient petit à petit avec ce temps nécessaire et cet effort indispensable, il faudra beaucoup de semaines, c’est sûr que les mots ne coulent pas mais la référence aux gammes me parle bien, je connais cette expérience et j’aime le moment où ça y est, c’est fluide, c’est agréable…alors j’ai confiance.