#P5 | Nuage coton

qui de moi va là     ventre en apnée   le sol se tasse   yeux raidis vers le ciel     nuage coton      des bribes de pensées qui s’effilent en nuées     ouate en cuisses    comme s’envoler    nuage coton     
il y avait une litanie pour le vertige   essaie de diriger les jambes vers la place    là-bas     nuage coton    le monde se retourne comme un verre    devient rêve    on ne peut pas en sortir     essaie d’avancer quand les pieds s’enfoncent      froid dedans    sueur au front     nuage coton  si froid sang glacé irrigue les membres       les rues étaient infranchissables     le non-sens dévisse les jambes d’apesanteur      nuage coton    perspectives de ville en oblique du front    accélération en travelling arrière      la ville soudain pendait à mes bras    devenue grise      où respirer    nuage coton    l’air tourbillonne autour du nez    rien n’entre dans les poumons       les immeubles tournaient aussi       des filaments de balustrade    la ville précipitée        comme un poisson hors de l’eau         il y avait des accélérations et des ralentissements     corps et ville mêlés dans une chair étrange    des mots grésillaient contre les tempes

nuage coton
pied
s si lentement
déposés



ville oblique

les rues inutiles


 assourdissement

du sol
s’enfonce


sang glacé


l’air rétrécit
travelling arrière



mots qui grésillent

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

3 commentaires à propos de “#P5 | Nuage coton”

  1. J’ai beaucoup aimé ce texte, son imaginaire, sa poétique, sa construction formel. J’ai envie de le relire plusieurs fois, je me le mets dans mes favoris. D’habitude, j’ai un peu de mal avec les formes non linéaires, mais là, ça marche.

  2. Très heureuse Aurélien que mon texte vous ait plu, ce n’est pas évident de partager son imaginaire (toute ressemblance avec des faits vécus n’étant pas fortuite). La construction formelle doit beaucoup à L’infini turbulent d’Henri Michaux. A bientôt de vous lire et de découvrir votre univers !

  3. La ville, le corps, tout ça intimement mêlé, s’entremêlant, l’un agissant sur l’autre – j’aime beaucoup ; la forme, les espaces fonctionnent parfaitement pour rendre l’inconnu, l’incertitude, l’attente de ce qui est à venir de cette rencontre.