Au-dehors, des bruits, d’autres bruits. D’un poids lesté à l’arrière du crâne, le mouvement ramène incessamment au-dedans – cœur, tête, souffle, ventre, mots assaillis.
What can I do for you?
Le cœur bat. Le cœur bat dans la tête, dans la tête. Le cœur bat de plus en plus vite, le cœur cogne toujours plus fort, dans la nuque, dans le cou, le cœur emplit tout le corps. La tête tremble, les lèvres claquent. On frappe. Quelqu’un veut entrer. Ou sortir. Piétinements, battements, marteaux, martèlement, chevaux au galop, avec régularité, le cœur s’empare de la nuit, y creuse des profondeurs nouvelles, le cœur se fait miroir de l’angoisse, le cœur pétrit les membres devenus inopérants, le cœur donne vie à cette nouvelle obscurité.
I’m falling
Dans le crâne le brouillard s’est installé, brain fog, dans la tête les routes se confondent, se brouillent, le brouillard redouble de densité, d’intensité, les pensées en formation viennent tomber dans la crevasse, route sans fin, profondeur sans fond. Le crâne, le lourd, le sensible, le loin de la pensée, la pensée incapacitée, l’arrière du crâne, pesant, retenu, empêché, le crâne s’emplit de profondeurs, le crâne se hisse sur une corde tendue au milieu du vide, le crâne descend dans le thorax, dans les cuisses, le long des jambes qui tremblent. La surface du corps reste impassible.
I’m falling and no one can see it
Souffle court, respirations saccadées. Fight or flight. Le souffle ne se remarque pas, le souffle est omniprésent, chaque respiration une défense, une protection contre quoi, et si nous avions chacun un nombre limité de respirations, d’inspirations et d’expirations, et si le compte à rebours avait commencé. Tenter d’allonger le souffle, trois temps d’inspiration, quatre temps d’expiration, voire cinq, vider les poumons pour y arriver, à bout de souffle, à force de. Les doigts tâtent le pouls, le chrono bat chaque seconde, soixante en tout, tic tic tic, chaque seconde son vertige de battements.
I’m falling and no one can see me
La matrice, le point névralgique. Le torse palpite, les chevaux trottent, ils galopent, une respiration tente de les ralentir, ils courent, ils labourent le corps laissé à l’abandon. Le ventre proteste en des soubresauts, des hoquets, le ventre se barricade, ferme l’accès pour se protéger, l’air ne peut plus y passer, les mots non plus, le ventre a tout retenu. Vrille des passages, vrille que cette peur, oui peur au ventre qui enserre tout. Des yeux un double se profile, le double falsifié, cet autre je capable, droite, debout.
I’m falling and I’m still standing
L’air est saturé de mots tapis, de silences, le crâne, le ventre, la gorge, saturés de possibles, déjà emplis du remords, de savoir que les mots ne sortiront pas. Les mots invisibles effacent le corps. Ils amputent. Les mots ne seront pas prononcés, ils n’existeront qu’au-dedans, même pas en pensée, ils ne se diffuseront pas, ils ne se transformeront pas, les mots sont tapis dans les entrailles, ils les triturent, ils continueront à faire mal, du ventre au crâne, de la gorge jusqu’aux doigts, ils habitent un corps apeuré, recroquevillé, qui veut casser les parois, se glisser dans les couloirs emplis d’ombre, qui tente de se frayer un chemin, mais pour aller où. Les mots explosent en silence.
I’m falling and no one can hear it