Un éclair, un flash. Une lumière blanche incandescente qui emporte tout, qui éteint tout. La mort instantanée. Puis le retour à la vie, infiniment lent, hors du temps. Une cellule qui se rallume. Retrouver lentement l’état de conscience. Se remettre à vivre.
Court-circuit #1. Sous l’enveloppe de mon corps déserté de vie, le coeur de toutes mes cellules a cessé de battre. La plongée abyssale des les plus grandes profondeurs de mon être a éteint toute forme de vie. Me restent juste, comme imprimées sur l’écran derrière mes paupières, quelques images de ma chute, de mon choc, les ultimes instants avant mon trépas. Je n’ai plus d’os, de chair, de nerfs, de sang, mon enveloppe est vide, je sonne creux. Je ne sonne plus en fait, je ne suis plus. Et puis j’entends. Le déclic d’un interrupteur qu’on déclenche. Une petite lumière rouge dans l’immensité du complexe neuronal de mon cerveau sous la peau de ma tête, sous les os de mon crâne, au coeur même de cette matière blanchâtre devenue inerte quelques instants plus tôt. Une petite lumière s’allume, une minuscule parcelle de conscience revient à la vie. Trop faible pour éclairer l’immensité inerte de mon espace intérieur. Perdue au milieu de la nuit, on la croirait vaciller, lutter pour exister, combattre pour être mais elle reste, elle est là, elle survit pendant une éternité. Puis une deuxième s’allume, puis une autre.
Court-circuit #2. Sous la canopée de la forêt foudroyée, le coeur de chaque arbre a cessé de battre. Aucun arbre, aucun animal, aucune fleur, pas même un champignon. Demeure juste la pluie qui irrigue le drame. Une pluie de mort, un silence de mort. La foudre, son éclair, son explosion assourdissante. Et le grésillement infernal d’une électricité latente qui plane entre les arbres et qui relie toutes les gouttes d’eau qui tombent du ciel, telle une toile d’araignée géante. Et puis juste le crépitement de la pluie qui tombe dans un silence sans vie. Jusqu’au premier souffle d’air qui fait frémir une feuille. Un filet d’air, un soupir, le battement de l’aile d’une abeille. Juste un seul. Juste un murmure imperceptible dans le concert percutant des gouttes de pluie qui explosent au contact des pierres, des branches, du tapis de feuilles sous lesquelles les salamandres ont encore les yeux fermés. Mais l’air reste immobile, le vide emplit l’espace et le temps, tout demeure suspendu. Jusqu’à cet autre soupir ici. Puis là. Jusqu’à ce qu’une respiration berce, lentement, infiniment lentement, le coeur de la forêt.
Cout-circuit #3. Sous les projecteurs de la salle surchauffée, il s’est écroulé comme un pantin désarticulé sitôt que le poing de son adversaire, d’un crochet court et puissant, l’eut touché à la tempe. Un éclair, une explosion de lumière si forte qu’elle a envahi tout son corps, tous ses muscles, ses vaisseaux, ses nerfs, ses tissus, ses organes. Une bombe. Puis une chute lente, interminable, dans un ballet de faisceaux lumineux qui s’estompent lentement jusqu’à la nuit silencieuse, muette, inerte. Le vide comme absence de matière, le vide comme rien. Pas même la mort parce qu’elle reste attachée à la vie. Pas même le noir qui suppose qu’on le distingue. Le rien. Et puis, un soupçon de quelque chose. Infime, minuscule, microscopique. Une image qui vole détachée d’un album de famille. Infime, minuscule, microscopique. Un souvenir qui passe avant de disparaître, engloutie dans le néant. Le coeur qui ne repart pas. Et ce vide qui demeurera du rien pour toujours maintenant.
Le titre comme une idée lumineuse…
Mon court circuit préféré, court-circuit #2, être au balcon quand tout demeure suspendu
Merci. Suspendu à ton commentaire…
Courts-circuits très évocateurs, préférence aussi pour le 2
En fait, moi aussi, je préfère la 2…
« … la nuit silencieuse, muette, inerte… le vide comme rien ». Expression pertinente de cette absence à soi-même après le KO.
Merci. Je me souviens d’une lecture (incapable de m’en souvenir plus) où il était question de vide et de rien. Sans doute, ces écrits m’ont marqué…
Le cœur qui ne repart pas. Même s’il n’était pas boxeur.
Belle déclinaison de courts-circuits en tout cas. Merci
Merci. Oserai-je t’avouer que j’ai pris le jus récemment ?
Très intéressante exploration ces court-circuits. Merci
Merci pour ta lecture.