On pouvait pas faire autrement.. dans ce on, l’avalanche de ceux qui n’ont pas décidé et qui décident quand même, parce que quand même, c’est grave, qu’on ne peut pas laisser faire quand même, que c’est quand même pas rien, un meurtre quand même c’est un meurtre, homicide volontaire ou pas volontaire, qu’on le veuille ou non, c’est une autre histoire… On pouvait pas faire autrement, je suis désolé Michel… autrement… autrement quoi ? autrement dit, le chef a choisi son camp, il est désolé d’avoir choisi son camp, il est désolé de dire qu’il a choisi son camp alors qu’il a rien choisi, qu’il a cédé, qu’il a même pas essayé d’être honnête, d’écouter le fond d’Homme qui doit rester terré à l’intérieur de lui, l’homme au fond du ventre qui sait qu’au moment où il parle tous ceux de la déchèterie savent et que pas un d’eux n’a parlé, pas un n’a dit que le saupoudrage dans les bennes était inscrit dans le planning, que ce jour-là, c’était Michel, parce qu’il voulait bien dépanner Malik qu’avait rendez-vous, que c’est donc Michel qui a saupoudré les bennes de mort aux rats… les lâches… on pouvait pas faire autrement… les décisions annoncées à l’imparfait sont les pires, elles n’envisagent même pas leur propre remise en question, elles actent pour ainsi dire le passé impassible… Leur dire que si virgule on pouvait faire autrement point d’exclamation, et dans cette absence de virgule, dans l’abandon du point d’exclamation l’échec contenu d’une résignation, d’une fatigue, de toute la fatigue accumulée en trente-cinq ans de déchèterie… Je voulais te dire merci bien sûr… Merci pour tout, pour plier le dos, pour prendre à la place des autres, pour la prise en charge de la culpabilité, pour la belle claque sonnante… merci pour tout… le rêve de justice, la vérité triomphante en allés… loin… si loin… perdus, morts et enterrés… levez la tête Michel pour dire votre poésie…vous la connaissez parfaitement, je vous ai entendu… nous voulons l’entendre parfaitement… alors faites sonner les rimes et soufflez… soufflez… prenez le temps de faire vivre les mots dans votre bouche… le silence des yeux bleus et la bouche clause… pas l’ouvrir pour pas rater… pour pas tout faire rater… la poésie trop belle récitée pour soi-même, murmurée pour l’homme à l’intérieur recroquevillé sur lui-même… Pas pouvoir faire autrement que se taire… paralysée par la beauté de la poésie et la peur que ça rate… la magie… Michel ? Je te jure que… Ils ont rien voulu entendre, on pouvait pas faire autrement… Pas faire autrement… cela consiste seulement à ne pas dire ce qu’on a prévu de dire, cela consiste seulement à prendre le chemin qui n’existe pas, qu’on croyait qui n’existait pas, c’est juste dire la vérité entière complète, dire… dire ce qu’on sait, ce que tout le monde sait depuis des mois… la vérité n’est pas une option… Exemples de manière de faire autrement : 1. rappeler qu’on a envoyé des mails pour prévenir de l’augmentation sensible des prises de rats, 2. signaler qu’on a alerté plusieurs fois le responsable de secteur sur l’envahissement par les rats, 3. relever les dates méthodiquement, 4. imprimer les mails qui informent sur les pillages tous les soirs, 5. redire que ça fait des années et des années qu’on sait, qu’on les laisse entrer dans la déchèterie, faire leur marché, qu’on préfère ça à rappeler le serrurier vingt fois par an… si on s’intéressait vraiment à la vérité, 6. regarder du côté des factures, les éplucher, les unes derrière les autres, 7. relever les frais, les achats de tapettes en même temps que les bouteilles d’eau, la mort aux rats en même temps que le café moulu et le papier cul… On pouvait pas faire autrement, je suis désolé. Comment oublier qu’on puisse dire je, comment préférer se soustraire à la culpabilité par l’accusation forcenée, comment choisir d’écraser l’individu par le collectif, comment refuser de parler, comment refuser d’entendre la voix au fond qui crie ne le laisse pas tomber ça pourrait être toi… et poursuivre… On va pas pouvoir continuer… qui a jamais parlé de continuer ? Les conditions ne sont plus réunies… Nous allons devoir procéder… à la fin de votre contrat… La phrase sonne de plus loin, c’est pas la langue de Jean-Claude, le petit Jean-Claude c’est pas le petit Larousse… il a tapé sur la barre de recherche comment virer quelqu’un… liste des expressions les plus pertinentes pour virer quelqu’un… apparaissent les premiers résultats pertinents… pertinents en débat… les conseils associés – il est essentiel de prendre en compte les faits dans le discours pour éviter que le collaborateur ne le prenne personnellement… – dans une tragédie est-il quelqu’un qui ne prenne pas l’annonce personnellement… ils disent… rester factuels… les faits sont là… Il a tapé du poing sur la table, les faits sont là… la petite a été vue à plusieurs reprises … personne ne discute les faits… Michel, c’est personne.
Il dit : Il y a celui ou celle qui prononce la parole toute faite, organisée autour de cette locution qui la brouille, et la distord ou la vide ; Il y a celui ou celle qui analyse et répond. Le texte pourra se présenter d’une seule filée ininterrompue et sans marque de dialogue : on suggèrera plutôt qu’il reste monobloc, et s’ouvre par l’intérieur à l’éclatement des voix, par exemple en marquant juste par des italiques ou un soulignement les expressions toutes faites qui servent de base au dispositif. Je dis : Merci, l'éclatement des voix c'est ce qui se joue dans ma tête, mais comment lui être fidèle ? Jouer sans filtre et trouver le style bien fade ou chercher mieux et perdre le fil. Le dilemme dans l'éclatement des voix consiste à faire entendre la voix de l'auteur et celle du critique ? Comment réussir à capter la voix des poissons qui nagent dans le bocal là-haut depuis longtemps, sans doute trop longtemps, et dont, malheureusement, en période de congés, l'eau n'est pas assez souvent changée ? Merci de changer l'eau.