On est dans une cuisine, les autres sont en train de parler dans la pièce à côté, tranquilles, puis ça s’envenime, Arrête, tu veux, ce ton impératif nous fait taire, quelle mouche les pique ? Ils discutaient pourtant normalement : Pourquoi tu veux que je me t…parce que tu exagères, tu exagères toujours, mais à ton tour, arrête de me parler ainsi. Un silence suit puis ils reprennent un ton plus bas, moi je ne veux pas prendre parti, les deux propositions se défendent, on n’avance jamais si on n’arrive plus à se parler, je n’aime pas les parlottes, on décide maintenant, on compte les voix et…Arrête, tu veux, tu crois que ça marche comme ça, tu ne crois pas que les autres ont leur mot à dire. Elle est importante cette réunion juste avant le début des travaux. De quoi parlent-ils ? Lui l’avait déjà entendu cet Arrête, tu veux ailleurs, il y a bien longtemps, à la maison, petit il voulait expliquer à son père pourquoi on avait fait sauter l’école, ce jour là, cet Arrête, tu veux d’un ton froid l’avait pétrifié, se taire et ne rien dire, ce n’est pas le moment ou ils avaient des soucis ou surtout il le sait maintenant, le père avait cette rigidité, quand un peu plus tard, à peine instit. il avait voulu discuter avec une maman très soucieuse, vous savez comment ça se passe, n’est-ce pas ? on a à coeur d’entendre les parents, de chercher avec eux, il était rentré bien plus tard que d’habitude, jamais il n’a pu lui faire entendre raison, mais enfin, je travaille maintenant, un Arrête, tu veux tellement cinglant, il croyait que ça pouvait s’adresser à un enfant débordant d’activité, accompagné d’un regard qui dit c’est bon, allez va jouer, ou alors arrête ta comédie avec un regard mi-complice, tu as mal, là, vraiment ou tu ne veux pas aller à l’école? L’autre à côté l’a reçu en pleine figure, on a entendu le ton détaché et méprisant, on sent un regard qui veut maîtriser, contrôler, contraindre, il ne l’a pas vu venir ce Arrête, tu veux il le mâchonne le tourne le mastique le gribouille sur son cahier là devant lui et répète mais pourquoi? Pourquoi tu pourquoi tu me dis ça, empêtré dans sa parole répétitive. Quand on pense qu’une seule boutade aurait pu empêcher l’autre le désarmer en somme, tous auraient ri, on dirait des gamins. D’autres voix s’élèvent, bon on n’a pas tout compris de vos histoires, on avance, ce n’est pas très drôle de vous entendre, on a tous une certaine éthique, alors ce mépris dit tout haut, cet Arrête, tu veux je comprends que, mais j’aurai dû, on te connaissait plus d’empathie on t’avait vu plus drôle, tu te rappelles…Oui, oui, avec son ton hautain, vous parlez de ces six mois où on a créé ce groupe de musique, il cède un peu, ce qu’on a pu rire, et jouer on avait la patate et ça carburait ça jetait, toutes nos tripes on mettait il se tait puis ce n’est pas ce que je voulais dire. Il se rend compte ou pas ? on ne sait jamais s’il va se mettre en colère, ce qu’on doit faire pour qu’il soit content. Dans la cuisine, cette phrase résonne fort, oui, le père c’est ça, exactement ça et on en a déduit qu’il ne nous aimait pas, on avait toujours mal fait, on se sentait surveillé, tu te rappelles, il nous avait écouté, caché vers le petit mur, on parlait avec la fille de l’instituteur laïque, pas admis du tout dans le village où on était en vacances, heureux d’échanger de découvrir autre chose qu’elle vivait, elle la fille du directeur en face de tous ces jeunes qui allaient au caté, il s’était mis à crier Arrête, tu veux dégage, ne remet plus jamais les pieds ici, et notre énorme désaccord n’a pas pu se dire devant ses traits refermés et ses yeux gris si durs, elle était partie, on ne l’a plus revue…. À côté, ils cherchent une façon d’avancer, la méthode des post-it agencés sur le mur par tous a l’air de fonctionner. Tout ça pour des travaux au gymnase de l’école, franchement, des gamins.
Je l’entends d’une mère à son enfant sur un ton sec – pour l’avoir entendu peut-être comme son pendant tu la sais toute ? –
Du coup emploi décalé pour moi ici et c’est bien d’être bousculée. Merci !
La formule qui rebondit d’un mur sur l’autre. Mur de Sarraute sur lequel on avait déjà essayé quelques balles un hiver, il y a deux ou trois ans ? J’y pense souvent à ce mur.
On ne sait plus bien qui parle mais la phrase, du coup, prend toute sa place. Et l’atmosphère.