c’est bien simple, les filles, on ne les entend pas ! et les filles, l’aînée surtout, de sourire et de rougir… ce qu’elles sont sages ! c’est incroyable ! et les adultes de sourire en retour à ces sourires si sages, si muets, si reposants d’enfants modèles…une main que l’on passe sur les cheveux…des regards entendus et satisfaits… et l’ainée de goûter à ce plaisir rendu… à ce venin, sans le savoir… suffire de se taire… l’aînée sourit donc et rougit…pendant que les parents continuent à tisser la légende de l’enfant sage…déjà bébé dans son lit cage, c’est bien simple, elle ne pleurait jamais, on la retrouvait le matin grand sourire sans rien dire…incroyable, vous en avez de la chance, c’est pas comme le fils D. un gosse insupportable… tandis que là… c’est bien simple les filles on ne les entend pas… et la petite phrase de se répéter, plus ou moins détachée, étirée, martelée en six syllabes insidieusement distillée, enveloppée dans ces sourires qu’elle aime tant … suffit donc de se taire pour les rendre heureux… écoute, c’est bien simple, les filles, on ne les entend pas ! alors peu à peu, oui, vraiment, pour de bon, elles se taisent les filles, surtout l’aînée, ça a l’air de tellement faire plaisir qu’on ne les entendent pas qu’elles s’appliquent à être sages, à se taire, à écouter, des sourires et du silence et du feu au visage, l’aînée surtout… la phrase, répétée, l’air de rien, les filles, on ne les entend pas !, en passant comme ça, la modèle, la pétrit, la façonne, la moule, efface méticuleusement les contours de son visage, de son corps, de son être, la ronge de l’intérieur sans qu’elle se rende compte, la vide, l’évide, l’éviscère, la remplit de il de elle, de on, de les, de la, la vide de son je, la remplit des autres, de leurs attentes, de leurs espoirs, de leurs désirs…et le on grandit, grossit, prend des proportions gigantesques, dévore son désir, l’engloutit… les parents, les professeurs, les grands-parents, les tantes, les oncles, les amis, il en a dans le ventre ce on…encore et encore des sourires et du silence et du feu au visage à s’épuiser d’effacement… mais où sont les filles ? dans leur chambre, mais c’est bien simple, ces enfants on ne les entend pas…
Beau texte, très juste (malheureusement) et bien vus ces « on ne les entend pas » qui donnent envie de crier !
Merci Muriel ! Le cri n’est pas loin en effet.
J’ai trouvé ce texte très touchant, cette valorisation du silence et de la discrétion comme ‘attribut’ féminin…
Merci Elise ! Oui…les injonctions sociales à l’assaut du désir !
les filles forcées à la sagesse, et puis le silence qui fait planer un doute terrible à la fin, jusqu’à la disparition
Merci Caroline pour ce retour !
Très beau texte, une seule parole, « on ne les entend pas », qui empêche toutes les autres paroles et les empêche pour longtemps.
Merci Vincent pour ce retour. C’est en effet une problématique qui me tient à coeur : la parole empêchée.
Frappe au bon endroit, merci de cette proposition !
Quel texte ! Il prend aux tripes, et appelle une suite. Très fort.
Merci Alice et Simone pour vos retours !!
Forcément ça nous cause à nous les filles ! et ça nous pousse, et ça nous éreinte…
merci pour ce beau choix
à bientôt, Emile, contente de te rencontrer ton écriture à travers ce texte
Merci à toi Françoise pour ton message. De mon côté, je cours après le temps pour rattraper vos écritures, les découvrir, les savourer…je vais y arriver !
Et oui, ça parle ! Dans le fond de chaque fille, ça parle fort, pas loin d’être assourdissant. Ah, les modèles de filles qu’on entendait pas, une belle collection de silencieuses… heureusement qu’on ne peut plus faire taire celles qu’on entendait pas ! Merci, Émilie, pour ce beau texte.
Et vive l’écriture pour les faire parler ! Merci de ton retour Isabelle !