Elle est sans doute au bord de la rupture. Elle se laisse tomber sur le canapé, assise râpée, coussins vétustes. Elle a à peine le temps de penser, cerveau à l’arrêt. Bien sûr, elle n’a plus rien à faire, elle attend, tousse, renifle parfois, bouge ses pieds, tortille ses mains. Elle se réveille peu à peu d’un cauchemar que rien ne semblait vouloir freiner. Un craquement, la fermeture d’une porte et ces mots prononcés par une voix grinçante, heureusement, demain est un autre jour, tu verras bien. Et là, dans ce condensé de mots, demain est un autre jour, il semblerait que tout soit dit. Rideau. La partie est terminée. Elle s’enfonce dans un tiraillement intérieur. Elle voit trouble. Elle s’épuise à oublier. Bien sûr, le temps passe et demain est un autre jour se perpétue, devient inévitablement un autre demain, une course inépuisable vers un jour sans cesse reporté, même si aujourd’hui s’éloigne déjà. Non loin d’elle, comme pour conjurer un sort, la voix radote, demain est un autre jour. Insupportable. Ces mots prennent toute la place dans sa tête tellement meurtrie, s’installent, tournent en boucle. Demain est un autre jour, comment faire avec ? Elle les repousse, ils s’accrochent. Elle les piétine, ils rebondissent. Elle les ignore, ils se cramponnent au réel. Demain est un autre jour, mais comment aurait-elle envie de cet autre jour, de ce demain ? Les jours se sont succédé, rien n’a changé depuis, la vie se poursuit malgré le quotidien, les jours brumeux, les incertitudes. Elle attend, n’en finit pas d’attendre. Elle pense que demain est loin. Elle se referme sur aujourd’hui. Pourtant, demain est un autre jour, il semblerait.