« Ça va sans dire, vous restez manger et dormir »… ça va sans dire… et elle ne le dit pas. Elle n’y pense même pas. Le soleil commence à descendre derrière le peuplier. Ils avaient prévenu : ils seraient là en début d’après-midi. Ça ne l’arrangeait pas du tout, ça l’obligeait à rentrer chez elle plus tôt que prévu, Ils étaient installés dans le jardin de devant. Brèves effusions, on s’est permis d’entrer, le portail était ouvert, vous avez bien fait. Elle offre du café, du thé, de la bière, du jus d’orange pour les enfants. Alors comme ça… comment ça va…. la santé, le travail, les vacances, les enfants, l’actualité, les élections… Les enfants jouent, on boit encore du thé, du café, de la bière, du jus d’orange… l’’après-midi commence à se fatiguer, 17h 30, 18 h, le début de soirée pointe à l’horizon. Elle ne propose pas l’apéritif, ne dit pas « ça va sans dire, vous restez manger et dormir ». Elle attend qu’ils s’en aillent, ne dit rien. Ils attendent, « ça va sans dire, vous restez manger et dormir ». La conversation tombe comme une météorite dans le désert. L’écho du silence finit par leur revenir aux oreilles. Ils ont des doutes : ont-ils bien entendu ce qu’elle n’a pas dit : « ça va sans dire mais ça va mieux en le disant : vous passez dans l’après-midi si vous y tenez, vous prenez un verre et vous repartez sans tarder.» ? Ils se sont plaints par la suite qu’elle les avait très mal reçus, ne les avait invités ni à dîner ni à dormir. Ils s’étaient retrouvés sur la route , le ventre vide, sans savoir où manger, obligés de rentrer chez eux de nuit, avec les gosses endormis sur la banquette arrière.
Codicille : je comprenais mal la proposition d’abord, explorer les expressions toutes faites ? non ce n’était pas ça. Plutôt explorer à la Sarraute les remous d’un mot, d’une parole… mais je n’avais pas envie de rentrer dans une voix ; ce « ça va sans dire » s’est imposé, allez savoir pourquoi, pour finalement raconter cette anecdote où la narratrice s’emmêle les pinceaux à ne pas dire « ça va sans dire ». J’ai du en tricoter une quinzaine de versions …
On parle pour rien dire ! Implacable !
Très juste dans ce cas 🙂 merci !
« ça va sans dire mais ça va mieux en le disant : J’aime beaucoup cette narratrice qui s’emmêle les pinceaux. Merci Beatrice !
Merci pour elle, Marie! 🙂
Très réussi !
Pour en avoir lu quelques-uns d’affilée, je trouve que ça s’enchaîne bien 😉
Merci Ysa-Lou. (En fait, on n’est jamais sûr.e que ça marche avant que quelqu’un lise…)
Je tiens à vous dire que j’ai apprécié ce moment de lecture.
Merci Béatrice pour le codicille je suis passée par là aussi.
Bénédicte
Merci, Bénédicte, cela me fait plaisir !
J’aime beaucoup ce texte qui file de non-dit en non-dit.
Merci