Quand tu dis ça me gonfle, de quoi veux-tu parler exactement ? ça n’est pas clair, ça, c’est pas clair. C’est un tout bien vague, je ne comprends pas.
ça me gonfle : c’est ce que je te dis qui te gonfle ? tu dis ça pour ne pas dire tu ? Parce qu’au fond de toi, tu veux employer des expressions familières et même vulgaires, pourquoi pas, ça fait du bien, après tout « ça te gonfle quoi ? », tout le monde y pense, tout le monde devine ça, mais de là à me heurter de front et à me dire « tu me gonfles », non, ça tu ne peux pas. C’est impoli, j’ai mes principes, moi, mon éducation. Faut pas vexer les gens. Et puis si je dis « tu me gonfles », ça va t’énerver et tu vas me dire « c’est abusé de dire ça », ou « comment tu peux me dire ça ? », « pour qui tu te prends ? », « ça va pas la tête de me dire des choses aussi brutales ! ». Alors que ça me gonfle, c’est plus doux, ça fait plus limande, ça fait plus je dis sans dire mais je dis la même chose ; ça fait plus vie en société quoi !
Mais au fond, qu’est-ce qui te gonfle ? Qu’est-ce que tu as fourré dans « ça » ? c’est un sac bien commode ton ça, ton bazar, ton bric-à-brac à toi. Juste deux lettres pour montrer sans désigner, pour t’exprimer sans nommer. ça me gonfle et plus rien n’est possible entre nous. Clap de fin. Fin de non-recevoir.
Ou alors ça me gonfle comme un signe de ralliement, ça me gonfle comme un appel à la colère commune, ça me gonfle et tu n’attends que mon acquiescement, ça me gonfle et c’est le signal du départ. ça me gonfle de devoir changer mes plans de vacances, ça me gonfle d’écouter ce type, ça me gonfle comment va le monde, ça me gonfle et fuyons ensemble, ça me gonfle et fuyons avant l’explosion, ça me gonfle et je deviens une baudruche, ça me gonfle et me voilà très loin, très haut, au-delà des frontières de ma patience, au bord du vide après le trop-plein.
Des fois tu dis « ça me gave » pour changer un peu mais c’est une autre histoire.
lu un peu trop vite, mais avec grand plaisir
renforce mon désir de l’écrire … puisque pas le temps tout de suite
votre ça me gave va se transformer en « oh oui encore »
Dans « Pour un oui ou pour un non », c’est une intonation dans la voix : un « C’est biiien… ça… » dit nonchalamment à un ami, mais qui, à force d’être tourné et retourné en tous sens, prend des proportions quasi monstrueuses et soulève l’édifice d’une amitié jusque-là sans histoire.
« C’est biiien… ça… » C’est-à-dire des mots en apparence inoffensifs mais qui contiennent à eux seuls tout un arsenal de non-dits, comme dans votre texte ce révélateur glissement du « tu » au « ça ».
Merci du commentaire.
Le « ça » est un pronom qui vaut le détour. Il n’est pas remplaçable par « cela » dans bien des cas; il est marqueur d’oralité et établit une communauté de pensée entre celui qui parle et celui à qui on s’adresse. Il désigne sans dire vraiment et joue finalement sur l’implicite, qui est un ciment entre les interlocuteurs. Giono en fait grand usage et, dans un autre registre, Sarkozy aussi…
J’ai pu découvrir ainsi votre blog – très riche !