Bon courage ! Quand François Bon l’a glissé à la fin de sa consigne, j’ai souri. Une aubaine. Un bonbon. Une friandise livrée là. Non vraiment, il va en falloir du courage pour arriver au bout de ces quelques lignes soporifiques.
J’ai eu bien du mal mais j’ai pris mon courage à deux mains et voilà… Je me lance… Non non je ne peux pas venir à la séance de 18h, j’ai une réunion ce soir… Dommage, bon courage ! Je ne suis pas disponible dimanche, je déjeune chez ma bêle-mêre… Ah oui, alors bon courage… Des jumeaux ? je leur souhaite bien du courage !… Bon courage pour l’entretien de demain, il paraît que c’est une vraie peau de vache… Je vous donne trois heures pour répondre à la question : « Qu’est-ce que la sociologie ? »… bon couraaaage… Tu n’es en vacances que fin août ? Oh bon courage… Bon je vous laisse, bon courage… Tu passes une semaine avec elle ? Haha, pour l’avoir pratiquée pendant un bon bout de temps, bon courage !… Bon courage… Bon courage… Le petit fait ses dents ?… vous êtes dans les bouchons… elle veut se mettre au sport… il est gay, ils viennent de l’apprendre !… elle a commencé sa crise d’ado… Mais vraiment… bon courage ! Ce bon courage comme une main qu’on pose quelques instants négligemment sur l’épaule avant de quitter la scène. On sait ce que c’est, on vous accompagne dans cette, cette, cette quoi ? Cette épreuve ? Cette souffrance ? Ce Bon courage-là n’est pas livré avec son poids. Il peut se faire chantant, bravache, espiègle, compatissant ou juste poli… Il se laisse tomber derrière, une accolade et puis s’en va. Pour avoir bonne conscience. Il soutient l’effort du quotidien, non le risque, le danger, la souffrance, mais bien l’ennui, l’inconvénient, l’inconfort. Faut-il du courage pour prendre rendez-vous chez le dentiste ? Dit-on bon courage quand il se fait nécessité ? Il deviendrait, à force d’avoir été usé, bien creux, volatile, voire cynique… Votre fils a une maladie génétique … Elle est journaliste en Chine … Tu fuis ton pays pour survivre et tu risques de mourir en mer …
Oh j’allais presque oublier… bon courage pour la suite des ateliers !
Merci pour le ton humoristique.
On va se méfier des formules toutes faites à force.
Merci. Les interroger de temps en temps, c’est pas mal. Ah le lien social, il se tisse dans les interstices, c’est clair. J’ai hésité à travailler sur « ça va ? oui ça va » et puis j’ai cédé au bon courage.
Bien aimé ce choix d’introduire ce « bon courage » et d’en faire l’analyse – son éventail d’intonations, d’intentions sincères, maladroites, dérisoires et traduisant toute une impuissance dans les pires moments, mais aussi faussement sincères, ironiques, ambigües…
pas eu besoin de courage pour lire ce texte que du plaisir, merci
très pertinent… on pourrait aller encore plus loin -si on avait le courage –
parce que si on a besoin de courage c’est qu’on va passer une épreuve… donc c’est accorder davantage d’importance à la peur qu’à la vie et et le plaisir de ses inconnu.e.s… suis pas sûre de me faire comprendre.
Merci. Si si, c’est très clair et c’est une partie de ce qui me dérange dans cette expression, elle met en garde contre tout au lieu de soutenir, d’enthousiasmer, tout devient pesant avec elle. Elle porte l’accent sur les difficultés du quotidien plutôt que sur les bons côtés de la vie.