Pain tout juste sorti du four déblayé de braises, il laisse les doigts teintés de cendre. Pain béni par la croix qui le divise en quatre. Il craque sous la lame du couteau, s’éventre et se transforme en tranches blanches ; pour chacune un office. Il en revient à elle de le répartir. La plus grosse part pour celui qui a retourné la terre, semé les grains, parts égales pour les enfants et leur tasse de miel. Doucereux, le grand-père viendra à l’abri des bonnes intentions revendiquer la part de grand-mère souffrante. Quant à elle, prendra la part qui reste, à laquelle elle soustraira les morceaux destinés à tous les plats où le vieux pain remplacera d’autres denrées. Les animaux recevront leur quignon de croûtes coriaces que les dents n’ont pas osé braver. Fournée double les jours de fête autour de l’immense table en bois, écurée à grande eau. On ne regarde pas à la dépense, chacun s’en sert à sa guise, coupe, découpe, trempe, imbibe, ramasse, masses fondantes et juteuses dans la bouche, les langues se déliant sous les effets âpres du vin. Si c’est jour de tuerie, les grands bahuts en bois se rempliront de sel. Fournée moindre quand la farine commence à se faire rare. Il faudra penser au pain pour les pauvres, l’attacher à la porte dans un sac en lin. Suivre le cours des mois et des saisons. Savoir attendre, combler les manques, jusqu’à ce que des grains nouveaux éclatent sous la meule, broyés se transforment en poussière, à son tour tamisée, pétrie, moulée. Le premier pain qu’on retirera des pierres brûlantes guérira tous les maux.
ce pain me met l’eau à la bouche. Merci !
Je suis contente que cela vous ait plu, Bernadette ! Merci !
la passion du pain, et puis le grain, je me souviens —lors d’une sortie d’école — avoir mâché un grain de blé, jusqu’a sentir la douceur sucrée de l’amidon.
Merci Caroline ! Quelques souvenirs mêlés à beaucoup d’invention !
c’est très beau, et ce pain comme guérison
Merci, Rebecca !