Le savoir faire du couscous est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité : la recette déployée est donc un plaidoyer contre l’oubli de ce qui a été.
D’abord, pour faire un couscous, il faut de la semoule. Pas trop cuite ni trop cru. De la semoule a point. Pas celle qui surchauffe dans le tout petit monde en casserole, mais bien celle premier prix qui cuit quinze minutes de plus que les autres. Il faut chercher, ensuite, a séparer chaque grain avec une fourchette. Peu importe la marque de l’ustensile, ce n’est pas ce dont on se rappellera. Si on ne cherche pas à séparer les grains, ils risquent de fusionner comme des cotons et on se retrouve à manger, sur le pouce et entre deux virgules, une purée immangeable. C’est se nourrir plutôt que de manger. L’objectif est louable, mais ce n’est pas ce qu’on cherche ici. Pour faire un couscous, il faut, de la semoule avec des herbes d’ailleurs pour voyager quand même. Il faut aussi un peu d’huile et de la sauce pour éviter les sècheresses du contenant.
D’abord, pour faire un couscous, il faut du poulet et des légumes. Du poulet de Bresse ou de Beldi élevé en plein air ou pas de viande du tout d’ailleurs en version végétarien et respect de la diversité des vies. Les légumes, on peut les choisir colorés, ça rajoute de la joie aux grains bien séparés. Ils doivent obligatoirement être finement coupés avec un couteau très aiguisé, pas de ceux qui tourne en rond depuis dix ans au fond du tiroir. Il faut un couteau qui coupe bien. À ce stade, une attention particulière sera portée aux doigts des cuisinier.e.s N’hésitez pas à faire des compliments sur la finesse des poivrons, le charme des carottes, la petitesse des oignons, l’élégance des tomates ou la subtilité des courgettes. Toutes remarques mélioratives sont le bienvenu dans l’assiette.
D’abord, pour faire un couscous, il faut des ami.e.s. Pas dans l’assiette les ami.e.s. Des bien vivants qui ne font pas fausse route ni de fausses routes si possible pour le partager. Il faut des gens bien appétissants pour ne pas se priver de manger. Mais attention, des gens qui ont de l’appétit sans avoir la fringale quand même pour en garder pour chacun, à leurs faims. Il faut quelqu’un pour rire plus fort que les autres et quelqu’un pour prendre en photo les mots. Il faut quelqu’un pour mettre la table et quelqu’un pour mettre la nappe. Celle qui rougit au soleil et qui cache les cicatrices et les coupures du bois. Il faut de quoi s’asseoir, mais sur des chaises pas trop confortables. Sinon on s’endormirait, repues, après le repas. On resterait, là, à dormir devant nos assiettes vides et on se réveillerait tout penaud deux heures après. Comme souvent, on pourrait croire que c’est à cause du blé alors que c’est le siège le responsable. Non, pour faire un couscous, il faut un banc en réalité. Un banc pour s’asseoir ensemble le dos courbé par les poids -chiches- du monde.